Le gel et ses différents types, les éléments de lutte passive et les solutions pour reconstruire un cep impacté : Basile Pauthier et Bruno Duron du Comité Champagne, ont fait le tour d’horizon de cette problématique particulièrement douloureuse pour le vignoble devant une salle de l’Union Auboise comble.
“Pour comprendre comment fonctionne la lutte et quand elle peut être efficace, il faut déjà savoir d’où vient le gel.” Basile Pauthier du Comité Champagne, capte très vite l’attention de son public, sensibilisé par les gelées de ces deux dernières années.
Il existe deux types de gel. Le gel radiatif est issu de conditions anticycloniques (peu ou pas de vent) et provient d’une perte dans la radiation infrarouge du sol. Si le taux d’humidité relative est élevé, il provoque une gelée blanche (givre) et quand il est faible une gelée noire. Le gel advectif se caractérise par du vent et une chute des températures portée par le flux d’air froid qui provoque une gelée noire. Plusieurs facteurs aggravants amplifient l’action du gel : la topographie, le cépage, la taille précoce, l’enherbement ou le mulch et le travail du sol. De plus le débourrement est plus précoce et les épisodes de gel sont plus fréquents (2011, 2012, 2016, 2017). Cependant les vignerons disposent de nouveaux outils : les prévisions de gel de printemps disponibles d’avril à juin sur le portail météo du Comité Champagne, et depuis 2007 la réserve individuelle.
L’aspersion est la méthode la plus efficace
Les moyens de lutte présentent des efficacités, des coûts et des impacts environnementaux très variables. L’aspersion est la méthode qui présente le plus d’efficacité mais elle est très technique, coûteuse, elle réclame une grande quantité d’eau et les autorisations sont plus compliquées. Une charte des bonnes pratiques de l’aspersion est en cours d’écriture au Comité Champagne.
Les brûleurs au fuel et les bougies, présentent une efficacité indéniable, mais leur pollution, les fumées et leurs coûts incitent à les bannir. Les brûleurs au gaz (propane) s’avèrent moins polluants mais ils ne sont pas acceptés dans la démarche de Viticulture Durable en Champagne.
Les brasseurs d’air ont une efficacité à géométrie variable : ils sont très dépendants de la topographie, du système de chauffage (ou non) du type (mobile ou fixe) et du type de gelées. Le brasseur mobile avec pale inclinable et cerclage est mieux adapté sur coteau.
L’éliciteur PEL 101 GV nécessite une application du produit au stade 1 feuille et il présente des résultats très variables mais reste peu coûteux.
Les fils électriques chauffants ont montré une efficacité de l’ordre de 80 % (variable selon les équipements) et ils permettent une automatisation. Leur coût d’installation (entre 30 000 et 50 000€/ha) est relativement élevé mais il s’amortit sur une durée relativement longue. Les bûches Duraflane ont une durée de combustion très courte et la flamme non contrôlée présente des risques de brûlure sur cep.
La paille, pour créer un écran de fumée, offre une protection aléatoire et présente de lourds inconvénients (sécurité routière, pollution, odeur).
Le paraffinage des bourgeons au stade gonflement diminue le risque gel de 30 % mais il est chronophage et la question de sa dégradation reste posée.
Les bâches et voiles antigel présentent des résultats très variables selon le type de gelée. Le Comité national de l’INAO est appelé à statuer sur leur remise en fonction uniquement pour la lutte antigel. D’autres dispositifs n’ont pas encore été testés en Champagne : extracteur d’air froid (aspiration et rejet plus haut), FrostGuard (air chaud pulsé), hélicoptère (coûteux), machine à fumée (création d’un brouillard, test peu concluant), les bactéries antigel (OGM, problème de contrôle), KDL (engrais foliaire visant à augmenter le pourcentage de potassium et de sucre dans la plante) et le Heat Ranger (aspire l’air froid et le réchauffe pour le propulser).
Dans les secteurs gélifs, mieux vaut engager une lutte passive, recommande Bruno Duron : en évitant les facteurs aggravants, en hiérarchisant les cépages de bas à haut de coteau, par des choix de clones plutôt productifs et des porte-greffes plutôt tardifs, par l’adaptation des pratiques d’entretien des sols et du système de taille. Il ajoute qu’en cas de gelée majeure, il est possible de reconstruire un cep en deux ans plutôt que de l’arracher et entre-planter.