Réunis le 24 juillet à Epernay, les vignerons et maisons de Champagne ont fixé un rendement commercialisable de 10 200 kg/ha pour la récolte 2019. Ce volume assure un approvisionnement conforme aux besoins des opérateurs et maintient un niveau de stock équilibré pour la filière. Le volume pouvant être mis en réserve pourrait être de…
Cet article est réservé aux abonnés.
« Ajuster la voilure »
10 200 kg/ha disponibles à la vendange : un rendement revu à la baisse par rapport aux années antérieures, pour tenir compte d’une ambiance commerciale morose et d’un contexte économique incertain. Dans le brouillard, il faut être prudent.
Selon les premières estimations du CIVC, les expéditions du mois de juin se sont repliées de 14 % par rapport à juin 2018. Un très mauvais score, qui amène les ventes annuelles aux alentours de 298 millions de bouteilles… sous la barre symbolique des 300 millions, ce qui n’était pas arrivé depuis 2009 ! Ce recul commercial a pour effet d’augmenter le ratio de stock moyen, évalué à 4,1 années de vente. Un chiffre historiquement très élevé, jamais atteint depuis 1992. Il est vrai que, depuis 2011, la Champagne a tendance à tirer un peu plus de bouteilles qu’elle n’en sort. Sur le plan qualitatif, l’augmentation du stock moyen est une très bonne chose, mais il y a une limite économique pour les entreprises et un vrai risque si les expéditions continuaient à reculer dans les mois à venir.
Ce rendement de prudence n’est pas une alerte : la filière n’est pas en crise, avec un chiffre d’affaires qui se maintient. Mais on voit s’amorcer une baisse des ventes en volume qui incite à la modération. La fin d’année se déroulera dans un contexte extrêmement incertain : tendance actuelle des Français à épargner plutôt qu’à consommer, difficultés de la grande distribution, Brexit dur (ou pas ?), velléités protectionnistes aux Etats-Unis, freinage marqué de l’économie allemande qui est impactée par le fléchissement du commerce international… Les économistes n’annoncent pas de crise majeure, mais un probable ralentissement de l’activité mondiale, dans les mois à venir puis en 2020.
L’avenir n’est pas forcément noir, car la plupart des marchés sont dynamiques, l’économie américaine devrait rester tonique en 2019, des mesures de soutien au pouvoir d’achat ont été mises en œuvre par plusieurs gouvernements européens pour dynamiser la consommation. Mais il y a de l’incertitude. Or, dans le brouillard, il vaut mieux éviter d’aller trop vite. C’est pourquoi l’interprofession a jugé pertinent « d’ajuster la voilure », pour ne pas mettre la filière (et ses opérateurs) en risque face à la possibilité d’un ralentissement commercial. Les enjeux sont de ne pas surcharger les stocks pour préserver l’avenir ; d’éviter de mettre en difficulté des metteurs en marché, dont le vignoble a besoin puisqu’ils achètent des raisins. Et l’on sait bien, aussi, que pour les exploitations il vaut mieux deux années « moyennes » qu’un brusque « effet ciseau ».
Catherine Chamourin, SGV
Mise en réserve : un volume de 5 300 kg/ha demandé
La « réserve Champagne », constituée de vins des années antérieures et qui permet de compenser d’éventuelles récoltes déficitaires, est proche du maximum autorisé, grâce à une année 2018 exceptionnelle. Cela permet d’envisager la prochaine vendange avec sérénité.
Une demande de dérogation au volume mis en réserve va être faite auprès de l’INAO. L’objectif est de pouvoir bloquer au-delà de la limite annuelle de 3 100 kg/ha de mise en réserve prévue au cahier des charges. Compte tenu du rendement disponible pour la vendange, le volume pouvant être mis en réserve pourrait être de 5 300 kg/ha dans la limite du plafond de 8 000 kg/ha de réserve individuelle. Cette demande de dérogation sera examinée par le Comité National INAO.
Mesures techniques. Les autres mesures techniques (taux d’extraction minimum des rebêches, réserve…) seront prises par le Comité Régional INAO du 4 septembre 2019.