Vincelles est le cru de Champagne situé le plus à l’ouest avant le département de l’Aisne, en rive droite de la Vallée de la Marne. Son vignoble est établi sur 150 hectares d’un coteau plongeant le long d’un méandre de la rivière avec un dénivelé de 1,5 km, pour une largeur est-ouest de 2 km à vol d’oiseau.
Les vignes sont plantées entre 65 m et 215 m d’altitude, dans un paysage marqué par une inflexion accrue vers 130 m et reconnaissable par la présence de nombreux bosquets et murets. Le coteau ouvert et légèrement incliné vers l’ouest facilite l’écoulement de masses d’air et d’eau. Ces vignes se nourrissent dans différents sous-sols, assurant d’emblée une remarquable capacité d’assemblage et de typicité parcellaire. De bas en haut, on rencontre des argiles et sables fins laguno-continentaux puis des sables littoraux et des argiles de l’Yprésien, surmontés par des calcaires sableux marins du Lutétien moyen, faisant place aux marnes et calcaires laguno-lacustres du Lutétien supérieur dont un niveau d’argile verte alimente sources et puit. Ce niveau marque le point d’inflexion du coteau incarné par les sables marins du Bartonien, surmontés par des calcaires et marnes laguno-lacustres. Les calcaires silicifiés marquent la fin du substrat du vignoble, juste coiffé par les argiles limoneuses à meulière.
Vincelles possède plus de 3850 parcelles viticoles, réparties en 70 lieux-dits dont l’étude permet d’évoquer, entre autres, la pierre (Rue Ferrée, Pierreuses, Gravelles, Hautes Roches, Grande Pitié, Pavés), le sable (Grèves, Sablonnières), la pente (Cotardes, Pendants, Raies Tortues), l’argile et les terrains plus humides (Fosses aux Reines, Aulnes, Culs de Loup, Fournettes, Petites Rues, Froides, Solins, et même Champagne !
Les niveaux de sources sont en partie responsables de colluvions et de masses glissées, déployées tout autour du village, avec des sols profonds et plus fertiles. Les sols de Vincelles sont en majorité des sols bruns calcaires sur marnes ou calcaires. Les sables et sables argileux confèrent de la fluidité avec des notes d’agrumes. Les argiles les nuancent par plus de volume fruité, de la vinosité avec des notes de fruits charnus, d’infusion et épicées. Les calcaires confèrent de l’allonge, des raisins parfumés avec un fruité de baies, de la salinité et de la résonance fruitée en arrière-bouche.
Honneur et bienveillance pour le meunier
La richesse argilo-marneuse de Vincelles est certainement à l’origine de la prédominance du meunier à plus de 70 %, suivi par le chardonnay (16 %) et le pinot noir (13 %). Le meunier est d’ailleurs exprimé et traité avec honneur et bienveillance par les producteurs du secteur, soit majoritaire en assemblage, en cuvée parcellaire, en monocru, en millésime, en fût. Fraîcheur et gourmandise le caractérisent à Vincelles où ses notes d’orange, de fleur d’oranger, de poire et de pomme fleurtent avec l’abricot, la pêche, la mirabelle, la mangue, le coing, le miel.
Le chardonnay tire souvent les assemblages ou est valorisé en monocépage, avec la résonance calcaire du haut de coteau (notes de citron, pamplemousse, acacia, poire, pomme fraîche), ou de manière plus enrobée et gourmande sur les terres amoureuses (pêche, coing, tilleul, fruits à coque). Le pinot noir n’est pas en reste. Profond, aromatique et vineux, il exprime au travers des argiles calcaires ses notes de framboise, de pomelo, de cassis, de prune, de cerise, avec des accents humifères et épicés.
Fraîcheur, gourmandise et relative vinosité caractérisent ainsi les champagnes de Vincelles, parfois faciles à appréhender dans leur jeunesse, mais qui savent révéler avec le temps toute la sève et la profondeur d’un terroir au microclimat très singulier.
De même que les eaux du méandre de la Marne envoient leurs vibrations aux vignes du coteau, les vins rayonnent sur les mets d’avril, tels que des artichauts poivrade à la croque-sel et huile d’olive, des blinis de topinambours et crème fouettée au piment d’Espelette, une poêlée d’asperges vertes en pointes avec des langoustines et morilles, un feuilleté au jambon de Reims, des ravioles de foie gras sauce morille, des œufs bio et oseille mijotée en crème, un filet mignon de veau et purée de carottes à l’orange. Sole, merlu, turbot et saint-pierre, avec un ragout crémeux de fèves à la sarriette ou simplement avec des légumes primeurs au beurre et ciboulette ciselée feront frémir le chardonnay qui ira par la suite titiller un étal de chèvres frais. Agneau, mimolette et tiramisu fraise et rhubarbe appelleront les rosés bien extraits.
Vincelles nous donne le La majeur. Poussés dans nos retranchements, le plaisir des sens et du ventre reste un refuge débordant d’humanité et d’ondes positives.
Avec modération et champagne !