Dans un premier temps, les intervenants sont revenus sur les conséquences des différentes positions de la Commission européenne sur la filière viticole. Pour Riccardo Ricci Curbastro, le fait d’avoir considéré la viticulture comme un secteur non essentiel pour la souveraineté alimentaire, estimer que le modèle des Indications géographiques n’est pas vraiment durable, envisager des aides pour l’arrachage en contrepartie d’une libéralisation des droits de plantation, remettre en cause nos outils de régulation… « Tout cela nous indique que Bruxelles ne comprend pas bien ce que la viticulture représente vraiment pour nos territoires. Nous demandons donc à la Commission européenne de créer un groupe de travail de haut niveau comprenant la Commission elle-même, les parlementaires des États membres et toutes les organisations agricoles, afin que l’on parle des perspectives de développement de la PAC. »
Le président d’Efow a également pointé le discours de certains lobbys hygiénistes visant à lier systématiquement alcool et cancer : « Ce sont deux mots qui font peur, mais ce sont des mots qui n’ont rien à voir avec la consommation raisonnable de vin, et ceci devient de plus en plus difficile à expliquer, alors qu’on voit que la DG Santé, l’OMS et toutes les associations anti-alcool exercer une pression pour faire que notre secteur soit traité comme celui du tabac. »
Selon lui, il convient également d’être particulièrement vigilant sur les tendances protectionnistes contraires aux intérêts des viticulteurs. « Notre filière exporte et ouverte aux marchés extérieurs, une augmentation du protectionnisme ne ferait que nous créer d’énormes problèmes, avec de possibles actions de rétorsion contre nous et nos exportations. »
Il a par ailleurs vanté le modèle des Indications géographiques (IG), « véritable success-story de la PAC » qui est regardé par tout le monde comme un exemple de « bonne gestion du terroir et de valorisation de la qualité, dont nous pouvons être particulièrement fiers. Nous créons de la richesse, du travail, nous valorisons nos terroirs et permettons que les générations futures vivent de ce métier. Nous devrions le clamer plus fort. »
Pour sa part, Klaus Schneider a décrit une économie allemande en proie à l’inflation avec une population de plus en plus inquiète de son pouvoir d’achat qui consomme moins et se tourne vers des produits bon marché.
« Nous sommes comme Riccardo l’a souligné, inquiets de la perception de la viticulture de la part de Bruxelles, mais aussi de notre propre gouvernement. Nous sommes obligés d’inventer de plus en plus d’arguments pour revendiquer le fait que nous sommes un secteur essentiel. Nous défendons une viticulture durable sur trois volets : social, économique et écologique. »
Le vigneron allemand a également souligné la contribution essentielle de la viticulture à la biodiversité. « C’est un argument important, reconnu scientifiquement et qui doit être mis en avant. Par ailleurs, la viticulture a façonné nos paysages et participe au développement du tourisme. Si on nous oblige à arracher des vignobles, il faudra des aides considérables. »
L’Allemagne a rejoint récemment le système des IG et peine encore à financer les ODG. « Nous apprenons tous les jours à profiter des avantages des indications géographiques. Nous allons créer des structures et des financements, car nous ne souhaitons pas qu’on dilue toutes les règles. Nous espérons un soutien de Bruxelles notamment en matière de droits de plantation. »
Le président du SGV Maxime Toubart a pointé l’importance de conserver des outils de régulation et le modèle des IG, qui ont largement participé au succès de l’AOC Champagne et des autres vignobles engagés dans cette voie. Il a dénoncé les tentatives régulières de dérégulation : « Chaque année, on nous oblige à demander dix ares de déclaration de plantation de vins sans IG au sein de l’Appellation Champagne. On ressent une volonté de lentement, mais sûrement, permettre aux régions planter ce qu’elles souhaitent et laisser le marché faire. Donc, l’enjeu essentiel, qu’on soit Italiens, Allemands, Espagnols, Français, c’est de construire une Europe active qui renforce en concertation avec nous, les outils de régulation indispensables. »
Des combats à mener ensemble
Les débats ont ensuite porté sur la question de l’unité des différentes organisations viticoles pour défendre les intérêts communs des professionnels de la vigne et du vin au sein de l’Union européenne.
« Il fait éviter que notre culture, notre façon de vivre ensemble, notre passion, notre marketing et tout ce que nos organisations font se perdent. Alors, il faut se retrouver autour d’une vision commune », a expliqué Riccardo Ricci Curbastro. Selon lui, une filière viticole unie a la force pour influencer la politique européenne. Il a cité en exemple le manifeste d’Efow à l’occasion des élections européennes pour expliquer à l’ensemble des pays membres les enjeux pour la viticulture. Il a également émis le souhait de renforcer Efow en invitant l’Allemagne, mais aussi la Grèce à rejoindre la Fédération.
Klaus Schneider a soutenu les propos de son homologue italien sur la nécessité de parler d’une seule voix. « Nous soutenons l’initiative d’une plateforme commune au niveau européen, car il est nécessaire d’avoir une bonne compréhension des problématiques des vignobles du sud et du nord de l’Europe. Nous travaillons déjà avec Efow, avec l’Arev (Assemblée des régions européennes viticoles, NDLR) et Copa-Cogeca (organisme qui fédère les agriculteurs et les coopératives dans l’UE, NDLR), mais il faut renforcer nos liens pour être encore plus influents ensemble. »
Même accord du côté de Maxime Toubart pour la création d’une « plateforme d’arguments collectifs développée par chacun des pays producteurs » et également un rapprochement avec le syndicalisme agricole.
« En 2008, nous avons annulé une décision de la Commission européenne sur la libéralisation des plantations, cela a été possible uniquement grâce à une mobilisation collective des organisations nationales et européennes sur ce sujet » a-t-il rappelé.
Selon lui, « Les enjeux sont essentiels, nous avons des combats à mener ensemble sur l’environnement, sur la santé, sur les marchés export et grand export… Nous aurons besoin d’être très organisés, soudés et forts dans les mois et semaines qui viennent. »