Les négociations annuelles entre le Syndicat Général des Vignerons (SGV) et l’Union des Maisons de Champagne (UMC) ont abouti à un rendement commercialisable fixé à 10 000 kilogrammes par hectare pour la vendange 2024.
Ce chiffre, d’un niveau moindre que pour la précédente vendange (11 400 kg/ha), vise à « tenir compte de la situation des marchés d’expéditions. La Champagne s’est toujours efforcée de réguler son économie pour préserver l’équilibre économique de la filière et assurer sa prospérité », souligne le Comité Champagne.
Pour rappel, le rendement butoir est fixé à 15 500 kg/ha. Les autres mesures techniques (taux d’extraction minimum des rebêches, réserve, etc.) seront prises par le Comité Régional de l’Inao début septembre.
Un contexte économique peu porteur
Les expéditions de la Champagne au premier semestre 2024 représentent 106,7 millions de bouteilles, soit -15,2 % comparé à la même période de 2023 qui était un semestre record (hors 2022). Les expéditions retrouvent un niveau proche de celui de 2019.
« La morosité de la conjoncture géopolitique et économique mondiale ainsi que l’inflation généralisée pèsent sur la consommation des ménages. La Champagne continue de subir par ailleurs les conséquences du surstockage des distributeurs en 2021 et 2022. Les Champenois restent confiants dans les valeurs de leur appellation », a expliqué David Chatillon, président de l’UMC et coprésident du Comité Champagne.
Pour David Chatillon, « en 2022, la distribution – en particulier dans les pays lointains – s’est chargée par peur de manquer. Il y a aussi eu une anticipation de la hausse des prix. »
L’interprofession observe aussi, dans un contexte d’inflation mondiale, « une baisse de la consommation qui est difficilement chiffrable, mais qui est bien moindre que la baisse des expéditions. »
Pour 2024, le Comité Champagne s’attend à un total d’expéditions à 280 millions de bouteilles, notamment avec la prévision d’un second semestre identique à 2023.
Une campagne viticole exceptionnellement arrosée
Depuis le début de l’année, le vignoble a été particulièrement arrosé. En conséquence du manque d’ensoleillement et d’un début de période végétative marqué par la fraîcheur, l’ensemble du vignoble subit une pression du mildiou forte, mais maîtrisée. Les gelées de printemps et la grêle ont impacté modérément le potentiel de récolte (de l’ordre de 10 %). La vigne montre un retard de développement de 5 à 6 jours sur la moyenne décennale. Le début des vendanges est prévu en moyenne autour du 10/12 septembre.
« Après une année particulièrement chaude et sèche en 2023, l’année 2024 a été exceptionnellement pluvieuse, ce qui a compliqué les travaux de la vigne. La pression du mildiou est forte, mais elle reste cependant globalement maitrisée au prix d’un travail important. Les conditions météorologiques d’ici la cueillette seront déterminantes pour assurer une belle récolte » a déclaré Maxime Toubart, président du SGV et coprésident du Comité Champagne.
« Beaucoup de vignerons sont rincés à l’approche de la fin de la campagne… La fleur s’est étalée sur un mois, ce qui est très long », commente Maxime Toubart.
À ce stade, le rendement agronomique moyen dans le vignoble s’établit à 10 000 kg/ha, avec des disparités « très importantes » d’un village à l’autre. La météo devra être clémente en août « pour assurer une vendange de qualité. »
Sécurisation de l’emploi saisonnier
Depuis l’annonce du plan Ensemble pour les vendanges en Champagne, le 20 juin, le déploiement des actions avance positivement. Les professionnels s’emparent activement des outils mis à leur disposition.
Maxime Toubart a souligné que « les nombreuses assemblées de préparation des vendanges organisées partout dans le vignoble sont autant d’occasions de sensibiliser les vignerons à ce sujet et de répondre à leurs préoccupations. La très grande majorité d’entre eux avait déjà de bonnes pratiques et les outils complémentaires mis en place par la filière sont bien perçus. ».
Le président du SGV souligne que 16 sessions de formation en premiers secours ont été réalisées, suite au partenariat conclu entre les SDIS et le Comité Champagne. 40 prestataires sont aujourd’hui recensés sur la nouvelle plateforme VitiArgos.
De son côté, David Chatillon note que « la structuration des prestataires avec la mise en place d’un syndicat et d’un référentiel des bonnes pratiques était un autre signal encourageant ». Il a rappelé que « chacun est dans son rôle. Au Comité Champagne, la préparation des outils ; aux Champenois et aux prestataires de services la responsabilité de les mettre en œuvre et à l’État le soin de contrôler le respect de la réglementation et de sanctionner le cas échéant ».
Le président de l’UMC précise, après la publication d’un décret concernant la suspension du repos hebdomadaire pendant les vendanges, que « ce repos a toujours été suspendu en Champagne, car le raisin n’attend pas. L’administration a considéré il y a trois ans que les vendanges n’étaient pas “une circonstance exceptionnelle justifiant de suspendre ce repos hebdomadaire”… En accord avec les organisations syndicales de salariés, nous avons demandé à l’État de préciser que les vendanges constituaient bien de telles circonstances. »
Ainsi, « le décret paru récemment ne change rien », et pour les récoltes manuelles en AOC et en IGP, nul besoin désormais de « justifier d’une autre circonstance exceptionnelle que la seule vendange. »
« En tant que représentante de l’État auprès du Comité Champagne », indique Josiane Chevalier, préfète de la région Grand Est, « je tiens à saluer le travail qui a été accompli pour préparer et mettre en œuvre le plan d’action “Ensemble pour la vendange en Champagne”. J’ai demandé aux services de l’État d’accompagner la filière ; je me suis aussi engagée à renforcer les moyens des services de contrôle pour assurer la bonne application de la réglementation et sanctionner les contrevenants. Je tiens à redire l’entière mobilisation des services de l’État lors des vendanges 2024. Vigilance maximale, tolérance zéro, c’est le mot d’ordre que j’ai fixé, en concertation avec les présidents du Comité Champagne. »
Josiane Chevalier « salue les avancées de la filière » sur le sujet de l’emploi saisonnier, et mentionne les moyens mis en place pour la vendange 2024, puisque « l’État prend sa part à la sécurisation des vendanges, avec la volonté d’être encore plus présent pour surveiller et sanctionner les manquements, ce qui est une demande de la filière. »
Dans la Marne, cette capacité de contrôle consiste en la mobilisation de 22 inspecteurs du travail, 84 gendarmes par jour contre une cinquantaine traditionnellement, création d’une brigade environnementale dans les gendarmeries départementales, qui interviendra sur les problématiques d’hébergement et sur les délits environnementaux. Un point quotidien sera également fait pour s’assurer de « la qualité des mesures de contrôle mises en œuvre » et procéder aux adaptations éventuellement nécessaires.
Le préfet de la Marne Henri Prévost a quant à lui précisé que les services de secours s’étaient exercés dans les vignes pour « se préparer à faire face à des situations potentiellement dangereuses ». « La sécurité est un enjeu important, avec une responsabilité de chaque vigneron quant à la mise en place d’un accompagnement des vendangeurs », précise également le représentant de l’État.
Mesures complémentaires
Réunis le 5 septembre, le Bureau Exécutif du Comité Champagne et le Comité régional de l’Inao ont décidé les mesures suivantes.
1. Données techniques
- Rendement disponible à la vendange : 10 000 kg/ha.
- Rendement maximum : 15 500 kg/ha pour l’AOC Champagne.
- Rendement maximum : 10 000 kg/ha pour l’AOC Coteaux champenois et l’AOC Rosé des Riceys.
- Titre alcoométrique volumique minimum AOC Champagne (degré moyen de cuverie) : 9 % vol.
- Titre alcoométrique volumique minimum AOC Coteaux Champenois et Rosé des Riceys : 10 % vol.
- Enrichissement : dans la limite de de 2 525 kg/hl (soit 1,5 % vol) par lot.
- Taux minimum d’extraction des rebêches : 0 % (vins blancs et vins rouges – AOC Champagne, Coteaux Champenois et Rosé des Riceys).
- Les collectives d’excédent de rendement par hectare sont autorisées dans le respect des règles fixées par la Direction régionale des douanes et droits indirects dans la limite de 25 % des quantités effectivement livrées en AOC disponible pour chaque contrat conclu avec un vendeur. La demande de pré-constitution doit être souscrite auprès du Comité Champagne.
2. Dates limites
- Date de fin de cueillette : 21 jours après la date d’ouverture la plus tardive dans la commune.
- Date de fin des opérations de pressurage : le 20 octobre 2024.
- Date limite de remise des carnets de pressoirs : le 24 octobre 2024.
- Date limite de dépôt des déclarations de récolte : le 4 novembre 2024.
3. Échéances de paiement
Quantités récoltées à la vendange 2024
-Pour les contrats pluriannuels (et les éventuels avenants à ces contrats) portant sur des raisins, des moûts, des vins clairs et des vins en bouteilles : paiement en quatre échéances, sans intérêt, les 5 décembre, 5 mars, 5 juin et 5 septembre qui suivent la vendange.
- La première échéance du 5 décembre correspond au paiement de 25 % du volume commercialisable ou à la totalité du paiement des quantités déclarées récoltées par le vendeur si celles-ci sont inférieures ou égales à 25 % du volume commercialisable ;
- Les trois échéances suivantes représentent chacune un tiers du montant de la transaction restant à payer après déduction de la première échéance.
- Lorsque la créance totale exigible du vendeur à l’acheteur est d’un montant inférieur à 2.000 euros, les parties peuvent prévoir que le règlement est effectué en une seule échéance payée le 5 décembre qui suit la vendange concernée.
-Pour les contrats ponctuels portant sur des raisins et des moûts : paiement en une échéance, le délai de règlement ne pouvant pas dépasser 30 jours après la date d’émission de la facture.
Éventuelles quantités sorties de la réserve
-Pour les quantités soumises à une obligation contractuelle de vente, paiement en trois échéances égales, sans intérêt, les 5 mars, 5 juin et 5 septembre qui suivent la sortie de la réserve. Lorsque la créance totale exigible du vendeur à l’acheteur est d’un montant inférieur à 2.000 euros, les parties peuvent prévoir que le règlement est effectué en une seule échéance payée le 5 mars qui suit la sortie de réserve concernée.
-Pour les quantités sorties de la réserve qui font l’objet d’une transaction en vins clairs en application d’un contrat ponctuel, le paiement est effectué en une échéance avec un délai de règlement ne pouvant pas dépasser 60 jours après la date d’émission de la facture.
Le ban des vendanges aura lieu le 7 septembre 2024. Comme les années précédentes, si l’état sanitaire de vos parcelles le justifie ou si le degré alcoolique potentiel est supérieur à 10 %, il est possible d’avancer la date de cueillette, sous réserve de l’accord du président de section ou du correspondant AVC, en le déclarant à l’Inao.
