Champagne Benoît Mahieux : circuits courts et idées longues

À Fontaine-Denis-Nuisy, Benoît Mahieux et sa compagne Émilie Sophie entretiennent un lien de plus en plus solide avec la biodiversité environnante.

Temps de lecture : 4 minutes

Auteur : Guillaume Perrin

Benoît s’est installé en 2010 au sein de l’exploitation familiale, où ses parents avaient pris la suite de la génération précédente. De son cursus au lycée viticole d’Avize, le vigneron ne fera pas grand cas, préférant insister sur le côté « bûcheur, piqué de viticulture » qui continue à l’animer depuis ses jeunes années.

Les débuts de sa vie de vigneron l’emmènent dans la voie de la coopération où, soulagé des travaux de vinification, il concentre l’essentiel de son énergie dans le travail de la vigne avec, déjà, l’envie de valoriser le temps passé à l’écoute de son terroir.

Sa compagne Émilie le rejoint en 2013. Issue d’une lignée de viticulteurs, elle ne se destinait pas à suivre l’aventure familiale. Pourtant, c’est aux côtés de Benoît et de son père qu’elle apprend les rudiments du métier viticole, jusqu’à décider d’en faire son quotidien. « À deux, c’est plus facile de mettre en œuvre ses idées », commente-t-elle sobrement.

« Il ne faut pas avoir peur d’essayer et de s’émanciper de ses parents ou de ses collègues », complète Benoît, qui fait sienne une maxime attribuée à l’économiste britannique John Keynes « La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d’échapper aux anciennes. »

 

À deux, c’est mieux

Cette force supplémentaire pousse le Champagne Benoît Mahieux vers la certification bio de son vignoble de 3,5 ha en 2018, mais aussi vers une nouvelle coopérative : c’est désormais le Champagne Le Brun de Neuville, à Bethon, qui recueille et valorise le fruit de son travail « Un changement qui visait à donner plus de sens et de proximité à ce que l’on fait.
Leur valorisation des parcellaires, la séparation des raisins en fonction des techniques culturales… Tout cela colle à notre philosophie de travail. »

Les premiers vins issus de cette démarche ont été produits en 2019, et commercialisés depuis 2023. Leur clientèle étant exclusivement composée de particuliers français, Benoît et Émilie veulent se donner du temps pour réussir leur révolution du point de vue de la commercialisation. De quelque 10 000 flacons à l’année en conventionnel, ils ont choisi de « repartir de zéro » et visent à terme 5 000 bouteilles en bio pour une gamme de trois cuvées, qui sera probablement élargie à cinq vins.

L’habillage a été repensé pour l’occasion, chaque étiquette de cuvée valorisant une plante présente dans leurs couverts végétaux. Un sachet de graines fait main est même offert avec certaines références : la transmission du savoir-faire est une préoccupation du quotidien au Champagne Benoît Mahieux. Ainsi, Benoît et Émilie ont noué un partenariat avec l’école du secteur : chaque année, le couple sensibilise des élèves de CE2, CM1 et CM2 à l’importance du respect de leur environnement. Ils viennent régulièrement planter des graines et participer aux vendanges, pour le plus grand plaisir des vignerons.

 

« Ce n’est pas que de la chance ! »

Le Champagne Benoît Mahieux peut s’enorgueillir d’avoir réussi, depuis sa conversion en bio, à toujours récolter des quantités de raisin conformes aux rendements préconisés par l’Appellation. « Après quelques années, ce n’est sans doute pas que de la chance ! » glisse Benoît avec malice.

Cerise sur le gâteau depuis l’arrêt du travail du sol : un taux de matière organique en augmentation, et une évolution notable de la biodiversité, tant à travers les plantes et les champignons que par l’intermédiaire des vers de terre et nids d’oiseaux.

Pour cela, il a fallu faire en sorte que les sols soient constamment couverts. L’usage de légumineuses (féverole, trèfle et sainfoin, lire La Champagne Viticole n° 904 d’octobre 2023, p. 44) dans la rotation est justifié par leur richesse en azote. C’est pourquoi Benoît réfute l’argument de « l’appauvrissement du sol par l’enherbement », même s’il note que cette pratique peut « légèrement pomper les réserves en eau de la vigne. »

« Nous n’avons pas toujours réussi tout ce que nous avons entrepris, mais dans les coups de mou, nous sommes restés solidaires », concède le couple. « La vigne est le socle de notre changement de pratiques. Ce sont mes erreurs qui m’ont fait le plus progresser », souligne Benoît.

La crise sanitaire a eu un effet bénéfique, paradoxalement : ce fut pour le duo un contexte favorable aux visites d’observation dans le vignoble, avec une prise en compte de l’écosystème local dans son ensemble.

Constatant un certain « manque d’arbres dans nos plaines », Benoît Mahieux et d’autres vignerons se sont même attelés à peupler le vignoble local avec des oliviers, des chênes et des charmes.

Il estime que ce sont 3 000 arbres qui ont été ainsi plantés en l’espace de cinq ans, avec le concours du Domaine Collet.

Au-delà des arbustes et des couverts atypiques, ce qui frappe avant tout l’œil non averti, c’est la présence marquée du règne animal. Dans les galipes travaillent une quinzaine de moutons, une vingtaine de poules et deux oies pour gratter et nettoyer le sol avec une complémentarité remarquable, tout en y apportant de la fumure. Le cheptel ovin provient de leurs amis du Champagne Lahaye, et Benoit comme Émilie témoignent leur reconnaissance de pouvoir les laisser paître dans leurs vignes. De quoi chambouler des journées déjà riches, d’autant que le couple a eu l’occasion de célébrer quelques naissances au beau milieu des vignes.

Une double identité revendiquée

Au coeur du terroir du Sézannais, entre plaines et vignes, Benoît Mahieux revendique sa double identité « agri-viti » : « la partie viticole, c’est notre coeur de métier, mais on tient vraiment à notre identité agricole, car elle nous permet de faire des essais. » Deux tiers de leur assolement agricole affichent une rotation champenoise plutôt classique (blé, colza, tournesol, luzerne…), et le tiers restant est dédié aux semences destinées à former les couverts végétaux du vignoble.

Dans ces surfaces, le miscanthus occupe une place de choix. Ensilé au mois de mars, il offre un paillage de qualité en couverture épaisse, apportant fraîcheur et humidité aux ceps, tout en limitant le développement des adventices alentour. Prochaine étape : l’installation d’une chaudière biomasse alimentée par cette culture locale.

Au pied de ses vignes trônent plusieurs tas de compost maison : les aignes issues de ses récoltes servent de base à des mélanges de cultures qui seront ensuite épandus dans ses champs. Une véritable bioéconomie circulaire.

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