Clotilde et son frère Nicolas, des parcours éloignés que tout rassemble

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Quand elle était en classe de 5e, Clotilde Chauvet exprimait déjà son désir de devenir vigneronne, le métier de ses parents et de ses aïeux. Elle n’a pas échappé à sa destinée, animée par une belle volonté d’apprendre et de s’aguerrir en France et au delà-des océans également, pour produire des vins au style affirmé….

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Présidente de Cuma et fortement engagée syndicalement

« J’aime échanger, partager, me situer sur le débat d’idées pour faire avancer les choses », déclare Clotilde Chauvet, laquelle a fait sienne la fameuse maxime « à plusieurs on va plus loin ». Cela se traduit très concrètement par son implication dans une Cuma (coopérative d'utilisation de matériel agricole en commun), gérant 42 hectares de vignes au total et disposant de deux pressoirs (8000 kg chacun) basés à Mont-Saint-Père. Ses parents ont participé à la fondation de cette structure avec trois autres familles vigneronnes au départ, il y a 36 ans de cela. « Emmanuel Comyn, qui a son exploitation à proximité, en est le directeur. Il organise les opérations depuis le travail de la vigne jusqu’au pressurage, et, pour ma part, j’assure la présidence de la Cuma depuis 5-6 ans », indique la vigneronne marnaise, qui a le statut de récoltant manipulant, mais qui croit aux vertus de la coopération. Son père, Marc, a présidé Jacquart quand cette marque dépendait de la CRVC (Coopérative Régionale des Vins de Champagne) avant d’entrer dans le giron d’Alliance Champagne. Clotilde continue de livrer des jus à la CRVC. « Je suis très respectueuse du travail que réalisent les coopératives. Il serait temps d’en finir avec les bagarres internes (RM-RC) qui sont contreproductives. C’est dommage d’en être encore là aujourd’hui », suggère-t-elle, persuadée que la famille champenoise doit être unie pour être forte et entendue. C’est le sens d’ailleurs de son engagement dans le syndicalisme viticole champenois où elle emboîté le pas de sa maman, Claudette. Après avoir été la présidente de la section locale du SGV à Rilly-la-Montagne (aujourd’hui pilotée par une autre femme, Séverine Couvreur), Clotilde Chauvet a été élue en qualité d’administratrice il y a six ans et elle est entrée au Bureau du Syndicat il y a quatre ans. Entre autres, elle apprécie de travailler sur les thématiques de la commercialisation des champagnes de vignerons. « Je crois en l’avenir de la Champagne et je sais combien le SGV, qui est un bel outil, se mobilise pour la cause des vignerons », déclare-t-elle, en rappelant qu’elle est la seule femme membre du Bureau et que la féminisation des instances tarde à prendre forme. « Il ne s’agit pas de féminiser pour féminiser, mais pour apporter d’autres expériences, d’autres idées », s’exclame-t-elle en craignant toutefois que la parité demeure un leurre. « La parité, nous ne l’obtiendrons jamais. Cependant, un peu plus de représentativité, nous pouvons l’espérer. Il y a une évolution du statut des femmes dans la société, mais il reste beaucoup à faire pour changer les mentalités… », conclut-elle avec le franc-parler qui la caractérise. Elle est une femme d’engagement et de conviction. Ph.S.

Clotilde, un parcours aux antipodes du conformisme

Localité active, plutôt festive, et forte d’un nombre important de vignerons qui préfèrent se retrouver autour de projets plutôt que se concurrencer bêtement, Rilly-la-Montagne est, de l’avis de Clotilde Chauvet, une commune où il fait bon vivre et travailler. Ce village a toujours été son port d’attache, ce qui ne l’a pas empêchée de voguer vers d’autres horizons une bonne partie de sa vie. Avec un Bac C en poche, l’étudiante est allée se former à Montpellier où elle a décroché un BTS métiers de l’œnologie puis son DNO. Elle a enchaîné sur une spécialisation en commerce international à Beaune. « Au fil de ce cursus, j’ai effectué tous mes stages en dehors de la Champagne. Dans le Bordelais, en Bourgogne et dans la région de Gaillac. Mais aussi en Australie et en Nouvelle-Zélande », énumère-t-elle. La Nouvelle-Zélande tient une place à part (entière) dans son parcours de globetrotter : « 20 000 kilomètres de chez moi ! Je ne pouvais pas aller plus loin », glisse-t-elle, satisfaite des expériences emmagasinées sur la terre des All Blacks, qu’il s’agisse de culture rugbystique ou œnologique. Elle y a transformé l’essai, en effet. J’y suis allée une première fois en 1991. Je suis revenue en Champagne pour effectuer la vendange 1992 en famille avant d’y retourner dans la foulée. Cette fois pour cinq années passées au sud de l’île du Sud, en qualité d’œnologue au sein du domaine Rippon Vineyard. J’avais été retenue par ses dirigeants pour mettre en place un vin mousseux venant compléter une gamme d’une quinzaine de vins différents. J’ai eu l’occasion de beaucoup expérimenter dans ce pays bien moins réglementé que le nôtre. Avec les équipes en place, en termes de méthodes de vinification, j’ai pu partager des réussites et des échecs aussi. Cela m’a ouvert l’esprit sur pas mal de choses, y compris sur la démarche bio engagée depuis longtemps aux antipodes. Il faut dire que le climat s’y prête un peu mieux que chez nous. La volonté de produire d’excellents vins est manifeste », remarque-t-elle en évoquant, côté vie privée, son mariage avec un pilote d’hélicoptère néo-zélandais. Par la suite, dans l’hémisphère sud, Clotilde Chauvet a également enrichi sa culture d’entreprise en participant à la création d’un domaine avec trois autres associés d’origines diverses (œnologue, comptable, propriétaire terrien) baptisé Quartz Reef en référence à la veine de quartz exploitée dans cette région de la Nouvelle-Zélande. « Là encore, j’ai beaucoup appris, mais il s’est avéré compliqué, avec douze heures de décalage horaire, de m’investir à la fois dans l’exploitation familiale en Champagne et dans cette belle expérience au bout du monde. Après dix ans d'activité, j’ai fini par arrêter l’aventure en vendant mes parts. Désormais, quand je vais en Nouvelle-Zélande, c’est uniquement pour les vacances », souffle-t-elle. Jules, son grand garçon qui possède la double nationalité – et dont elle ne sait pas encore s’il deviendra un jour vigneron car les enfants Chauvet choisiront leur voie professionnelle en conservant leur libre-arbitre – s’apprête à son tour à rejoindre le lointain pays qui doit son nom à l’explorateur James Cook. A lui de l’explorer à son tour. Ph.S.
<h2><strong>« Branché vignes », Nicolas est soucieux de l’environnement</strong></h2> <img class="wp-image-28740 alignright" src="https://www.lachampagneviticole.fr/wp-content/uploads/2019/12/clothilde-chauvet-6-300x200.jpg" alt="" width="451" height="300" />« L’amour filial du terroir » a conduit Nicolas Chauvet, 47 ans, à s’épanouir dans les vignes de l’exploitation familiale réparties à 50-50 sur les finages des communes de Rilly-la-Montagne (Montagne de Reims, Marne) et de Mont-Saint-Père (Vallée de la Marne, Aisne).  Sur 13,5 hectares, il y cultive les cépages pinot noir (majoritairement), chardonnay et pinot meunier. « Hyper pointu dans son métier, c’est à lui que nous devons les raisins de qualité arrivant à la vendange dans nos deux centres de pressurage », affirme Clotilde, admirative devant le travail réalisé en toutes saisons dans les galipes par son frère, avec l’aide des deux salariés permanents de la maison. Même si, de nature discrète, il ne raffole guère des interviews, elle le happe au passage pour qu’il prenne la parole afin d’expliquer la manière dont il assume la conduite du vignoble pour délivrer la « quintessence » recherchée. Son crédo est de soigner la vigne, quand elle en a besoin, et non pas de la traiter. « Je travaille dans le respect de la plante et de l’environnement, mais sans aller jusqu’aux contraintes induites par le bio. Je pourrais être bio tant  l’idée est louable, mais ma philosophie personnelle est qu’il ne faut pas risquer de perdre la récolte », dit-il, avant d’exposer le sens d’une démarche patiente et exigeante qui vient d’aboutir à la double certification HVE/VDC (obtenue par voie collective). « En 1996, quand les parents nous ont transmis l’activité, le travail était à 100 % chimique. En 2005, avec l’acquisition d’un nouveau tracteur et le travail du sol, nous avons pu réduire fortement les intrants. En rejoignant le réseau Déphy en 2010 via le GDV puis avec l’appui de la Chambre d’agriculture, nous avons franchi des pas supplémentaires. Avec la section locale du SGV nous avons constitué un groupe de vignerons sur la commune, pour continuer d’évoluer ensemble, dans le bon sens », détaille-t-il avant de se projeter dans l’avenir. L’écartement des vignes figure parmi les axes d’expérimentation qu’il préconise. « Il faut pouvoir passer plus aisément dans les rangs avec le tracteur et faciliter le travail mécanique. Mon père était déjà passé d’un écartement de 0,90 m à 1,10 m et moi, je vais planter à 1,20 m. Cela se fera progressivement. Les contraintes techniques induites par la démarche environnementale nécessitent des adaptions », souligne-t-il en voyant d’un bon œil les perspectives offertes par les vignes semi-larges, notamment. Nicolas pratique dans toutes ses parcelles l’enherbement ENM, pour enherbement naturel maîtrisé. « Autrement dit, je ne sème rien », glisse celui qui observe beaucoup et « laisse parler la nature ». <strong>Ph.S.</strong>

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