La nouvelle effeuilleuse précoce Kremer

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La société Kremer vient de développer une nouvelle machine adaptée à l’effeuillage précoce pour les viticulteurs champenois. Quelle est l’histoire de la machine et quels sont ses atouts ?

“J’ai l’habitude d’écouter la ‘petite musique’ des vignerons champenois”, explique Jacques Kremer, fondateur de la société du même nom, spécialisée dans la construction de machines viticoles et forte d’une dizaine de prix d’innovation dont plusieurs pour le tracteur électrique T4E. “J’écoute les préoccupations des viticulteurs et cela me donne les idées pour innover”. La dernière trouvaille de cet autodidacte ? Une machine conçue pour l’effeuillage précoce adaptée aux variétés des vignobles champenois. “Depuis cinq-six ans, on assiste à un retour des préoccupations liées à la vigne elle-même”, poursuit le professionnel. “Pendant longtemps on a beaucoup travaillé sur l’œnologie (nouvelles cuveries, nouveaux ferments) en délaissant ce qui faisait l’ADN du champagne, la matière première. Avec les changements climatiques et les contraintes réglementaires liées à l’environnement, la profession a dû regarder de nouveau la vigne avec plus d’attention. Et ce que nous avons vécu l’année dernière en matière de pourriture des grappes nous a aussi poussés à nous poser des questions sur la manière d’entretenir le vignoble.”
Depuis quelques années, la profession se tourne de nouveau vers des pratiques traditionnelles, quasi ancestrales, plus respectueuses du sol et du terroir, comme le passage de la charrue pour travailler le sol. “Il y a 25 ans, j’ai vu deux à trois vignerons précurseurs qui s’intéressaient profondément à la qualité du raisin et qui pratiquaient déjà la charrue et l’effeuillage précoce. Mais à cette époque cela n’intéressait personne. Aujourd’hui, on y regarde de plus près.”
40 % de pourriture en moins
En quoi consiste la technique ? Le principe repose sur le fait de pratiquer un effeuillage des vignes dès la chute des capuchons (floraison) pour habituer la plante aux rayons du soleil et lui éviter les variations climatiques brutales, qui peuvent faciliter l’apparition des maladies. Cet effeuillage, qui se pratique du côté Est des vignes (soleil levant) pour éviter que les raisins ne grillent, est d’habitude effectué par certains viticulteurs à la fin du mois de juillet ou début août ou 24 heures avant la vendange pour faciliter la récolte. Mais pour les techniciens du Comité Champagne, il conviendrait d’effectuer cet effeuillage beaucoup plus tôt, à la chute des capuchons. “Nous savons par exemple que, l’an dernier, les viticulteurs qui ont effectué cet effeuillage précoce dans leurs vignes ont eu 40 % de pourriture en moins dans leurs grappes, c’est considérable !”, s’exclame le chef d’entreprise.
Autant d’éléments qui ont poussé Jacques Kremer à s’intéresser de plus près au concept et à développer une machine qui puisse intéresser le vignoble champenois. “Je me suis documenté sur les techniques pratiquées en matière d’effeuillage précoce et notamment sur ce qui se faisait déjà en Allemagne et en Italie mais il s’agissait alors d’un effeuillage réalisé dans des rangs de vignes plus larges avec des machines lourdes et encombrantes. C’est pourquoi je me suis rendu en Bourgogne, qui présente des vignes similaires aux nôtres et qui pratique aussi l’effeuillage précoce. J’y ai rencontré le constructeur Amos qui est une référence auprès des viticulteurs et qui a travaillé sur le sujet pendant sept ans pour offrir un matériel adapté aux viticulteurs. Leur machine est opérationnelle depuis cinq ans. Convaincu qu’elle pouvait aussi intéresser les viticulteurs champenois, j’ai souhaité l’adapter à nos conditions de travail.”
Les attentes précises de l’entrepreneur ? Un montage et un fonctionnement simples, accompagnés d’une adaptation fine des réglages de la machine, tant du côté de la soufflerie pour l’aspiration que du côté du rouleau qui arrache les feuilles. “Vous avez une petite mollette noire, située en haut de chacune des têtes chargées d’attraper les feuilles et qui se tourne manuellement et très simplement pour adapter la force de l’aspiration et de l’arrachage des feuilles”, explique Jacques Kremer. “Il est certain que tous nos cépages ne sont pas identiques et pourvus de la même densité de feuillage ; les chardonnay poussant davantage en hauteur et présentant moins de feuilles, contrairement aux pinots meuniers. Ma machine doit pouvoir s’adapter à ces aspects. Je l’ai souhaitée très respectueuse du sol et des grappes.”
Se branchant comme une rogneuse, sur un tracteur enjambeur ou un chenillard, les têtes de la machine sont adaptables en mono, double ou triple rangs. Sans projection de feuille, avec une vitesse d’avancement pouvant aller jusque 5 km/h et peu gourmande en débit hydraulique (10 CV et 15 litres/minute), l’effeuilleuse fonctionne sur le principe d’une turbine faisant dépression, d’un rouleau saisissant la feuille et d’une balayette qui nettoie le rouleau tout en éjectant la feuille. Les têtes souples présentent un réglage automatique du jaugeage au contact de la végétation et se retournent en fin de rang pour pouvoir travailler en aller-retour.
“J’ai déjà la pré-commande de huit appareils”, se réjouit l’industriel. “Dans un mois les machines vont commencer à tourner et j’en prépare la démonstration au cœur du vignoble. Je suis persuadé que cette machine présente un gain important à la fois sur l’état sanitaire de la vigne et les aspects oenologiques. Le vin présente plus de matière lorsqu’il est produit après un effeuillage précoce.”
Il faut compter 22 000 euros pour une machine à double-têtes avec la possibilité d’en monter jusque quatre. La machine va donc évoluer très bientôt dans le vignoble champenois. Rendez-vous sera donné dans quelques semaines avec l’un de ses utilisateurs pour en apprécier l’utilisation et l’efficacité dans les vignes.

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