Pour expédier son champagne, le viticulteur fait souvent appel à un transporteur. Celui-ci peut se charger lui-même de la prestation, mais il peut également demander à un autre transporteur de prendre le relai. On parle alors de transporteur principal et de transporteur sous-traitant. Dans la plupart des cas, le sous-traitant n’est pas connu. L’expéditeur ne sait pas qu’il est intervenu.
Le contrat de transport matérialise l’accord passé entre un expéditeur de marchandises et un transporteur, sur le déplacement des marchandises, le lieu et le délai de livraison, le prix de la prestation. Ce contrat de transport est également appelé lettre de voiture. L’article L 132-8 du Code de commerce prévoit que cette lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire. Le voiturier doit s’entendre au sens large : il s’agit du professionnel qui effectue personnellement la prestation de déplacement de la marchandise. Et ce même article L 132-8 prévoit à la suite que le voiturier a une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport.
Autrement dit, la lettre de voiture est signée entre le vigneron et le transporteur principal : le vigneron demande au transporteur principal d’effectuer le transport et la livraison à son client. Le transporteur principal confie la réalisation de tout ou partie de la prestation de transport à un sous-traitant sans que le vigneron n’en soit informé. Si le transporteur sous-traitant ne parvient pas à se faire payer par le transporteur principal, il pourra adresser directement sa facture au vigneron (qui ignorait jusqu’alors son existence !) ou même au client destinataire ! Même si le vigneron a déjà réglé l’intégralité du prix du transport au transporteur principal, cela ne le dispense pas de devoir payer la facture du sous-traitant. Le vigneron n’a plus qu’à se tourner vers le transporteur principal pour obtenir le remboursement de ce qu’il a payé deux fois… en espérant que ce dernier puisse effectivement rembourser.
Même si cette action directe peut être exercée à tout moment, elle l’est le plus fréquemment lorsque le transporteur principal est en difficulté financière : lorsqu’une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par exemple. Dans ces cas-là, le remboursement de la somme payée en double devient très aléatoire.
Voilà pourquoi il est toujours très utile de vérifier régulièrement la solvabilité de votre transporteur, même si vous travaillez avec lui depuis longtemps.
Le droit de rétention, un autre moyen de pression pour le sous-traitant
Le droit de rétention permet au créancier qui détient un bien que lui a remis son débiteur de retenir ce bien jusqu’à complet paiement de sa créance. Le code civil impose qu’il existe un lien de connexité entre la créance demandée et la chose retenue. L’exemple le plus fréquent est celui du garagiste qui retient la voiture qui lui a été confiée pour obtenir le paiement des réparations effectuées.
Mais le droit de rétention dans le cadre d’un contrat de transport va un peu plus loin. Le voiturier peut retenir des marchandises à transporter en raison de précédents transports demeurés impayés. Il ne peut le faire que si le propriétaire des marchandises retenues est impliqué dans ces transports antérieurs.
Attention, il ne s’agit pas pour le propriétaire (en règle générale, le viticulteur) de ne pas avoir payé le transport, mais simplement d’être impliqué. Ce qui signifie, comme pour l’action directe, que lorsqu’un transport du champagne Dupuis par exemple n’a pas été payé au sous-traitant, Dupuis est “impliqué”, alors même qu’il aurait déjà payé le transporteur principal. Les derniers cartons expédiés peuvent alors subir une procédure de rétention pour des transports effectués antérieurement et non payés au sous-traitant par le transporteur principal.
Dans cette procédure de rétention, le créancier n’a pas que des droits. Il a aussi le devoir d’apporter à la garde des marchandises tous les soins nécessaires à leur bonne conservation. Pour le cas du champagne, la marchandise doit être conservée sans un lieu sécurisé et tempéré. A défaut, le créancier pourra être tenu pour responsable en cas de dégradation ou de vol des biens retenus.