Cette cellule de veille réunissait notamment le Comité Champagne avec le SGV et l’UMC, les représentants de l’État, les organismes de contrôle, les forces de l’ordre ou encore les représentants des prestataires de services. À la clé de ce dispositif sans précédent : la mobilisation de nombreux acteurs sur le terrain pour déceler toute situation pouvant nuire à la santé et à la sécurité des vendangeurs afin d’y remédier le plus rapidement possible. Les vendanges 2024 marquent ainsi un tournant dans l’histoire sociale de la Champagne qui a su mettre en œuvre avec succès des moyens conséquents pour renforcer la sécurité des conditions de travail des quelque 100 000 saisonniers employés dans l’AOC pendant les vendanges et prévenir toute dérive.
Au lendemain de la récolte 2023 marquée par des évènements graves, la filière Champagne s’est mobilisée avec un plan d’action ambitieux « Ensemble pour les vendanges en Champagne » s’articulant autour de quatre priorités : la santé et la sécurité des travailleurs, la sécurisation de la prestation de services, l’hébergement collectif et le recrutement.
Dès le mois d’octobre 2023, la filière a mis en place un groupe de travail interprofessionnel réunissant vignoble et négoce. L’étude des différents axes de travail a été réalisée en étroite collaboration avec de très nombreux acteurs dont les services de l’État, l’Inspection du travail, la MSA, France Travail, le Club de prévention d’Épernay, le SDIS, les établissements d’enseignements supérieurs, les représentants des prestataires de services (EDT51) et les syndicats salariés.
En juin 2024, le plan d’action était présenté à l’ensemble des professionnels de la filière ainsi que l’édition de guides thématiques sur la réglementation en vigueur et les bonnes pratiques pour tous les professionnels intervenant lors des vendanges. Plus d’un millier de ces guides ont été distribués et quelque 6 000 personnes les ont consultés en ligne.
Sur le volet santé et sécurité des travailleurs, en plus d’une documentation détaillée avec des annexes traduites en plusieurs langues, des conventions de partenariat entre la filière, les unions départementales des sapeurs-pompiers et le SDIS ont permis l’organisation de 35 sessions de sensibilisation aux premiers secours, soit environ 530 personnes formées.
Concernant la prestation de services, le Comité Champagne a encouragé et accompagné la structuration des prestataires dans la création de leur syndicat, la section champagne de l’EDT51, au sein de la Fédération nationale des entrepreneurs des territoires (FNEDT).
Par ailleurs, la filière a développé la plateforme VitiArgos qui permet aux prestataires de services de se référencer et de remplir un autodiagnostic pour faire connaître aux donneurs d’ordres leurs bonnes pratiques et les conditions de travail proposées aux saisonniers. Le donneur d’ordre peut ainsi consulter le niveau d’engagement du prestataire et conférer une valeur contractuelle à ces engagements. Plus d’une centaine de prestataires sont actuellement référencés, représentant 17 000 saisonniers, soit 40 % de la main-d’œuvre fournie par ces sociétés.
S’adapter et être exemplaires
Pour faciliter le recrutement de la main-d’œuvre locale, plusieurs actions ont été menées avec des résultats encourageants :
- Un partenariat avec France Travail avec un renforcement du personnel mobilisé, la mise en place de lignes téléphoniques spécifiques et un échantillonnage plus intense. Un dispositif qui a permis de pourvoir plus d’emplois.
- Des partenariats avec les établissements enseignement supérieur. afin de favoriser le recrutement des étudiants. Une centaine d’entre eux ont ainsi été employés.
- Une expérimentation menée par la sous-préfecture de Reims et le Conseil départemental pour faciliter l’embauche des bénéficiaires du RSA. Une quarantaine de personnes ont pu être mobilisées pour la récolte.
La thématique de l’hébergement a également fait l’objet d’une vive attention. Parmi les initiatives remarquées, l’accueil de plusieurs centaines de saisonniers sur l’ancienne base aérienne 112. Le groupe de travail interprofessionnel qui, reprend ses réflexions en fin d’année, restera mobilisé sur le sujet pour élargir les offres.
« La Champagne a montré une fois de plus sa capacité à se mettre en ordre de marche collectivement. C’était essentiel de réagir vite et de se mobiliser ensemble, vu la gravité des faits de maltraitance et leur médiatisation, témoigne l’administratrice du SGV Catherine Salhorgne qui a participé à l’élaboration du plan d’action. On l’a construit pas à pas, grâce notamment au préfet de la Marne qui a été très facilitateur en réunissant autour de la table tous les acteurs concernés. J’en profite aussi pour saluer les différents collaborateurs du SGV qui ont été remarquables. »
Selon elle, une étape fondamentale a été franchie avec la création du syndicat de prestataires EDT51. « La très grande majorité des prestataires est parfaitement respectueuse de la loi et des bonnes pratiques. Eux-mêmes étaient demandeurs de cette structure fédérative pour bien se différencier des entreprises “champignons” qui se créent avant les vendanges et disparaissent juste après, avec un gros risque de mauvais comportements vis-à-vis des saisonniers. Nous pouvons maintenant compter sur des interlocuteurs pertinents et représentatifs. »
La vigneronne souhaite que ce travail se poursuive et contribue à « améliorer certains points comme l’hébergement ou encore l’attractivité des métiers de la vigne. Bien sûr, on aimerait tous voir les vignerons loger et nourrir leurs saisonniers, mais on sait que c’est impossible. Pour beaucoup cela demande des investissements trop lourds pour une si courte période.
Le monde viticole change et il faut nous adapter, mais en étant exemplaires. Le champagne est un vin de prestige, nous sommes observés par tout le monde et nous devons être responsables vis-à-vis des conditions de travail de nos salariés. »
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