Les nouvelles règles d’étiquetage des vins mettent fin à une décennie de discussions parfois houleuses au sein de l’Union. Quel est votre sentiment sur cette disposition ?
Le renforcement de l’information des consommateurs est un des postulats de la stratégie « de la ferme à la fourchette ». Des informations plus transparentes permettront d’améliorer la confiance des consommateurs envers les produits européens, notamment les produits de qualité. Le vin n’échappera pas à cette évolution.
Néanmoins, lors de la dernière réforme de la PAC, le secteur du vin a réussi à faire valoir ses revendications en matière d’étiquetage et, pour la première fois, la législation européenne prévoit la dématérialisation des informations sur les ingrédients. C’est un succès pour le secteur, car les entreprises pourront toujours limiter les indications sur les étiquettes si elles le souhaitent, afin d’optimiser la présentation visuelle de leurs produits. À mon sens, trop d’informations tuent l’information et, de toute façon, le consommateur souhaitant en savoir plus sur les ingrédients utilisés dans le processus de vinification peut toujours utiliser les outils informatiques qui sont désormais à la disposition de quasiment tout le monde. À l’ère de la numérisation, nous ne pouvons ignorer cet outil. Toutefois, la réforme prévoit l’obligation de signaler la valeur énergétique et les allergènes sur la bouteille.
« Des informations plus transparentes permettront d’améliorer la confiance des consommateurs envers les produits européens. »
Les vignerons peuvent être inquiets de ce surcroît de réglementation. Quelles sont les suites prévues par la Commission ?
À partir du 8 décembre 2023, tous les producteurs de vin devront se conformer aux nouvelles règles d’étiquetage, à l’exception des vins produits et étiquetés avant cette date, qui seront probablement exemptés. Je ne doute pas que, au moins durant la première année de mise en œuvre, les nouvelles règles entraîneront quelques difficultés, surtout pour les vins non étiquetés avant la date d’application. Mais la Commission européenne doit encore adopter un texte, un acte délégué, détaillant les mesures concrètes d’implémentation de la nouvelle législation. Ce texte devrait donc contenir la flexibilité nécessaire pour faciliter l’adoption sur le terrain des nouvelles dispositions.
La Commission a également l’intention de présenter cette année une nouvelle proposition législative sur l’étiquetage des produits alcoolisés en général, dans le cadre d’un paquet plus large couvrant toute l’information des consommateurs. Je suis d’avis que ce nouvel exercice législatif ne doit pas mettre en péril les progrès réalisés lors de la réforme agricole, notamment en ce qui concerne la possibilité d’informer les consommateurs via Internet. Il est donc essentiel de démontrer à la Commission européenne que les décisions de la nouvelle PAC vont dans le bon sens.
Je déplore la décision de la @EU_Commission d’autoriser l’🇮🇪 de mettre les étiquettes “l’alcool tue” sur le vin comme pour le🚬. Une décision qui entrave le marché unique et pénalise les viticulteurs.
Un texte sur l’information aux consommateurs arrivera en 2023. Agissons en 🇪🇺!— Irène Tolleret 🇪🇺🇫🇷🇺🇦🚀! (@ITolleret) January 12, 2023
Quelles sont les limites, pour vous, de ces nouvelles règles ?
Il reste à voir si l’alcool sera ou non exclu du système européen qui sera proposé pour l’étiquetage nutritionnel sur le devant des emballages. Actuellement, le Nutriscore, qui est le modèle adopté en France et également suivi par d’autres pays de l’UE, ne les couvre pas. Le nouveau régime européen continuera-t-il à les exclure ou bénéficiera-t-il d’un traitement exceptionnel, comme c’est le cas actuellement ? Il faudra attendre les propositions de la Commission et les discussions qui s’ensuivront entre les colégislateurs pour le savoir.
Mais quelle que soit la nouvelle législation sur l’information des consommateurs, une chose me semble essentielle : c’est la nécessité d’assurer l’unité du marché européen. Je trouve regrettable que l’Irlande ait décidé de briser le marché unique en imposant unilatéralement l’introduction d’avertissements sanitaires sur les étiquettes des produits alcoolisés, similaires à ceux qui sont appliqués depuis des années aux produits du tabac. Je crois sincèrement que ces avertissements, qui risquent de diaboliser un secteur d’excellence comme le vin, sont d’une efficacité limitée s’ils ne sont pas accompagnés d’initiatives visant à éduquer les citoyens sur les risques d’une consommation excessive. Et je dis bien excessive, car le véritable danger réside justement dans l’abus, et non dans la consommation modérée.
« Ces avertissements sont d’une efficacité limitée s’ils ne sont pas accompagnés d’initiatives visant à éduquer les citoyens sur les risques d’une consommation excessive. »