Anne Sander est élue députée européenne (LR) depuis 2014. Elle siège pour le Parti populaire européen à la Commission de l’agriculture et du développement rural et a participé aux négociations de la réforme de la Politique Agricole Commune pour la période 2023-2027.
Les vignerons ne mesurent pas toujours l’importance de l’Europe pour leur métier. Quels seront pour vous les apports les plus marquants de la politique agricole commune pour la filière Champagne ?
La Politique Agricole Commune reste la première politique de l’Union européenne. Elle se caractérise bien sûr par un accompagnement financier conséquent de l’agriculture européenne (385 milliards d’euros pour la période 2021-2027), mais elle constitue aussi un corpus réglementaire commun très sophistiqué qui permet aux filières agricoles de se développer au sein d’un marché unique de près de 450 millions de consommateurs. En outre, dans le cadre de la politique commerciale commune, nous disposons de la force de frappe du premier bloc commercial au monde, pour promouvoir et protéger nos produits. La filière champagne bénéficie de tout cela : un accompagnement financier des investissements, la promotion, la restructuration des vignobles ou encore la gestion des risques dans le cadre des programmes nationaux vitivinicoles, le programme horizontal de promotion et les différents programmes de développement ruraux. De même, la filière vitivinicole peut s’appuyer sur une organisation commune des marchés, qui consacre le dernier régime de restriction de l’offre agricole en Europe avec les autorisations de plantations, ainsi que sur un corpus réglementaire relatif à l’enregistrement et la protection de son appellation au sein du marché unique comme au sein des marchés tiers.
La Champagne a récemment obtenu gain de cause sur les dossiers du maintien de la régulation des plantations et des délais de paiement dérogatoires. Comment avez-vous agi pour permettre à notre filière de conserver cette capacité à s’autogérer ?
En tant que négociatrice du Parti Populaire Européen (droite européenne) sur la réforme de la PAC, j’ai eu un grand plaisir à travailler avec votre filière et porter vos demandes pour obtenir la pérennisation du système d’autorisations de plantations au-delà de 2030. Le Parlement européen a dans le cours de la négociation réussi à arracher la date de 2045 contre l’avis de la Commission européenne. C’est une grande satisfaction personnelle car il s’agissait d’un élément essentiel pour la stabilité et le développement des filières vitivinicoles françaises et européennes, dont celle du champagne. De même nous avons obtenu gain de cause pour maintenir un régime dérogatoire en ce qui concerne les contrats pluriannuels de vin en vrac par rapport à la législation adoptée en 2018 sur les délais de paiement. Enfin, nous avons obtenu que les dispositifs de gestion de l’offre de produits sous signe de qualité, en vigueur dans les secteurs des fromages et du jambon, soient étendu aux produits de la vigne. C’est un outil additionnel qui a fait ses preuves et qui sera maintenant à la disposition de votre filière. Notre souci constant a été de vous donner les outils pour gérer votre potentiel productif ainsi que l’interdépendance qui existe entre producteurs et négociants. Je suis convaincue que ces outils viendront conforter votre filière, qui fait la fierté de notre agriculture française et européenne.
La France a tendance à surtransposer les directives environnementales (par exemple les ZNT) pour ses vignerons. Ceux-ci sont soumis à plus de contraintes que leurs collègues des autres pays de l’Union. Le Parlement européen peut-il accepter cette différence qui s’apparente à une concurrence déloyale ?
La surtransposition est une maladie très française dont les premières victimes sont nos producteurs. Ma famille politique Les Républicains milite depuis longtemps pour la mise en place d’un moratoire sur toutes les normes nationales ajoutées à celles européennes. Je crois que nous devons passer aux actes et mettre fin à ces règles nationales qui s’apparentent à des contraintes additionnelles et souvent inutiles pour nos producteurs qui opèrent au sein du marché unique. Je remarque que le Parlement européen est parfois bien démuni face à ces pratiques. Pour la réforme de la PAC, nous avions défendu la mise en place d’une ligne de base réglementaire commune dans le cadre de la conditionnalité des aides afin de garantir une égalité de traitement entre producteurs, mais ce sont les États membres et la Commission européenne qui ont souhaité permettre aux États membres d’adopter au niveau national des règles plus strictes. Je regrette que nous n’ayons pas eu gain de cause sur ce point.