Élections européennes : quels enjeux pour la Champagne ?

Protection des appellations d'origine, droits de plantation, étiquetage des vins ou encore traitements phytosanitaires : de très nombreuses décisions concernant directement l'avenir des exploitations viticoles et les règles de gestion de la filière sont prises dorénavant à Bruxelles.

Temps de lecture : 3 minutes

Auteur : Alain Julien

Lors de son assemblée générale, le Syndicat Général des Vignerons a rappelé à ses adhérents et à tous les acteurs de l’Appellation Champagne, l’importance des prochaines élections européennes pour l’avenir de la Champagne.

 

Un vote pour l’avenir de la viticulture

Du 6 au 9 juin 2024, près de 360 millions de citoyens des 27 pays membres seront appelés à élire 720 eurodéputés (15 de plus qu’actuellement) pour la dixième édition des élections européennes depuis 1979. En France, le scrutin à un seul tour se tiendra le 9 juin pour quelque 48,7 millions d’électeurs, dont près de 8 % de primovotants.

En 2019, les élections européennes avaient mobilisé 50,66 % des Européens (50,12 % pour les Français) en hausse de 8,06 % par rapport à 2014. Le Traité sur l’Union européenne fixe le principe de proportionnalité dégressive qui permet de répartir les sièges selon la densité de population de chaque État membre avec des seuils maximum et minimum de 96 et 6 sièges. La France enverra 81 députés au Parlement européen, juste derrière l’Allemagne avec 96 sièges. Luxembourg, Chypre et Malte, les plus petits États membres, conservent 6 élus.

En France, les différents partis politiques présentent des listes de 81 candidats avec un seuil électoral de 5 %.

 

 

Au Parlement, les élus siègent au sein de 7 groupes :

  • Parti populaire européen ;
  • Alliance progressiste des socialistes et démocrates ;
  • Renew Europe ;
  • Verts/Alliance libre européenne ;
  • Identité et démocratie ;
  • Conservateurs et Réformistes européens ;
  • La gauche au Parlement européen.

Dans les semaines qui suivent les élections, les eurodéputés éliront leur président ou présidente puis devront désigner à la majorité absolue, celui ou celle qui va présider la Commission européenne, sur proposition des 27 chefs d’État et de gouvernement. L’actuelle présidente, l’Allemande Ursula von der Leyen, a annoncé son souhait d’être reconduite à son poste.

La Commission est l’organe exécutif du schéma décisionnel européen, c’est elle qui propose les lois et exécute les budgets.

 

De la nécessité de faire du syndicalisme à Bruxelles

Si le monde viticole reproche à Bruxelles une certaine lourdeur administrative et l’accumulation de règles, l’Europe reste néanmoins un atout pour la filière. Déjà, face aux grandes puissances, l’Europe des 27 pèse davantage dans les négociations commerciales que la France seule. Par ailleurs, la protection des indications géographiques a toujours été une priorité européenne, les règles communes, notamment pour l’encadrement de la production ou d’étiquetage, placent les vignerons dans une situation de concurrence loyale et le vignoble bénéficie de soutiens financiers importants pour l’amélioration de la qualité et la reconquête des marchés.

Pour le Syndicat Général des Vignerons, il est essentiel que tous les acteurs de la filière soient sensibilisés aux enjeux européens. C’est pourquoi la Champagne renforce sa présence à Bruxelles, notamment via la Fédération européenne des vins d’origine (Efow), dont Maxime Toubart est vice-président.

Le SGV sera très attentif à la place donnée aux proches et connaisseurs de l’agriculture et de la viticulture sur les listes électorales. Il souhaite aussi le maintien de l’Intergroupe Vin au sein du Parlement européen, qui joue un rôle essentiel dans les échanges entre les représentants de la filière et les parlementaires. Le Syndicat plaide enfin pour un engagement plus important des élus nationaux dans le suivi de l’actualité européenne au travers des travaux des commissions des affaires européennes des deux assemblées.

Le bilan de la législature 2019-2024

Le secteur du vin constitue une filière stratégique de l’économie et de l’agriculture de l’UE avec près de 17 milliards d’euros d’exportations hors Union européenne et une contribution positive dans la balance commerciale européenne.

En 2020, on comptait près de 2,2 millions d’exploitations viticoles en Europe avec 80% de la superficie viticole consacrée à la production de vins de qualité (vins à Indications géographiques : AOP/AOC et IGP).

Le secteur viticole subit une pression réglementaire croissante et constate souvent l’absence de pragmatisme dans les décisions prises. Depuis les dernières élections de 2019, on constate un changement d’approche des dossiers traités par la Commission européenne.

La durabilité est au cœur de la politique à travers l’axe stratégique du Green Deal (protection de l’environnement) et du Beating Cancer Plan (santé).

La Commission européenne semble ainsi se détourner de la priorité qu’elle a toujours donnée à la politique de qualité (produits sous Indication géographique : AOC, AOP et IGP).

Des victoires pour le secteur viticole

  • Réintroduction d’un dispositif de régulation des plantations jusqu’en 2030 et prolongement jusqu’en 2045 ;
  • Dématérialisation de l’étiquetage des ingrédients et déclaration nutritionnelle, dont seul le secteur de l’alcool est bénéficiaire ;
  • Rejet par le Parlement européen du projet de règlement « SUR » concernant l’usage des traitements phytosanitaires ;
  • Préservation d’un budget d’aides spécifiques pour le secteur vitivinicole (Programme national d’aides aux investissements, soutien à la promotion…). Ces subventions qui sont souvent dénommées aides FranceAgriMer sont des aides européennes ;
  • Refus de l’alignement du vin sur le tabac dans le cadre des discussions sur le cancer et les maladies non transmissibles.

Les enjeux de la prochaine mandature pour les vignerons champenois

Éviter la remise en cause des instruments de régulation du potentiel de production et des marchés (réserve interprofessionnelle) dont seul le secteur viticole est bénéficiaire.

Droits de plantation jusqu’en 2045 : les rapports d’étape de 2028 et 2040 que doit présenter la Commission européenne pourraient être l’occasion de demander une remise à plat du système (et il n’y a plus que le secteur viticole qui peut réguler son potentiel de production) ou de proposer de limiter l’encadrement des plantations aux seules AOC. Dans ce cas, la plantation de vignes destinées à la production de vin sans IG serait libéralisée sur tout le territoire de l’Union européenne.

Préserver les règles spécifiques qui s’appliquent au secteur en matière d’indication de provenance

Dans le secteur agricole, il y a une totale liberté d’utiliser une provenance géographique pour un produit, sauf les noms d’AOP/AOC et IGP. Pour notre secteur, les vins sans IG ne peuvent se référer qu’au nom du pays (« vins de France »). Sans cette règle spécifique, les vins sans IG pourraient utiliser des termes de provenance géographique autres que celles des AOC et IGP, ce qui poserait problème en matière de transparence pour le consommateur.

Concilier la nécessaire protection de l’environnement et la performance économique

La proposition européenne du règlement SUR aurait pour conséquence une baisse de production de 28 % pour le secteur viticole français. La politique de qualité des IG ne s’oppose pas aux enjeux environnementaux, mais souhaite les inclure dans sa stratégie.

S’opposer aux politiques prohibitionnistes qui visent à aligner toutes les formes de consommation du vin sur le tabac

Cela pourrait impliquer :

  • L’obligation d’apposer des mentions sanitaires sur le danger de la consommation d’alcool, y compris modérée, sur les bouteilles ;
  • La perte de l’éligibilité aux aides européennes pour la promotion et les investissements.

Continuer à faire de la politique de qualité et des IG une priorité de la politique agricole et commerciale

Les produits sous IG peuvent apporter des réponses à la crise actuelle dans le monde agricole grâce à leurs productions non délocalisables et une durabilité intrinsèque, qui favorisent notamment la création et la répartition de la valeur et le renouvellement des générations.

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