Le mal-être au travail : une réalité, pas une fatalité

La table ronde « Reprendre en main son chemin de vie », proposée à la Foire de Châlons par la MSA et l’Adasea, a remis en perspective le mal-être au travail, témoignages à l’appui.

Temps de lecture : 3 minutes

Auteur : Sarah Legrand

Les agriculteurs et viticulteurs qui sont confrontés à la problématique du mal-être au travail peuvent compter sur l’aide d’équipes pluridisciplinaires et de bénévoles formés.

« Aujourd’hui, ça va mieux. Mais je suis passé par des nuits blanches, des idées suicidaires, l’envie de prendre le fusil… J’avais la sensation de ne plus être compétent dans mon métier. » Ces mots en disent long sur le cheminement de Paul-Marc Meunier, exploitant en grandes cultures à Saint-Memmie, près de Châlons.

Son témoignage, précieux, mais loin d’être le seul, a nourri la table ronde proposée lors de la Foire par l’Adasea de la Marne et la MSA Marne Ardennes Meuse. Oui, le mal-être au travail est une réalité pour la profession agri-viticole. Dans une étude publiée en octobre 2022, la MSA fait état de 1,7 suicide par jour en France chez ses assurés.

 

« Ce qui m’est arrivé n’est pas une honte »

Et les tabous autour de cette problématique ont la dent dure. « Ce qui m’est arrivé n’est pas une honte, a tenu à rappeler Paul-Marc Meunier. Ce n’est pas non plus contagieux ! Il faut oser en parler. Notre profession souffre encore de préjugés qui ternissent son image. Certains pensent qu’on fait un métier facile, qu’on gagne des millions. Ils ne comprennent pas nos difficultés. »

Un temps, cet exploitant a envisagé de vendre sa ferme tant il croulait sous les complexités administratives et financières. « J’ai proposé à un bon copain de la racheter. Il a fait mieux : il m’a aidé à m’en sortir ! »

Notamment en l’orientant vers l’Adasea et sa cellule Réagir, dédiée à accompagner les agriculteurs en difficulté. « Le plus dur, ça a été de prendre le téléphone, d’expliquer ma situation, de vider mon sac, se souvient l’exploitant. Et puis, tout s’est déverrouillé. » À commencer par le dialogue avec les partenaires.

« On veille à ce que les agriculteurs restent maîtres de leurs décisions, précise Marie Decovemacker, du dispositif Réagir. Ça passe d’abord par l’écoute, l’échange, puis les propositions. C’est un travail de réseau, tout le monde avance ensemble. »

 

« Mon corps a dit stop »

Elle aussi épaulée par les équipes de Réagir et de la MSA, Chantal Ravillion, exploitante agricole et viticole, a chuté d’un escalier en 2019. Un accident dramatique qui lui vaudra des blessures graves et une lourde opération, mais surtout le signal d’une situation devenue trop éprouvante, tant sur le plan physique que psychique. « Mon corps a dit stop, il n’en pouvait plus, raconte-t-elle. J’ai connu la perte d’un enfant, le vieillissement de mes parents et j’avais l’impression d’être seule face à ça. Les idées noires ont suivi, mais je continuais à tout gérer et à travailler sans jamais me plaindre. C’est ce qu’on appelle le formatage familial ! »

Les ateliers pour (ré)apprendre à prendre soin de soi et les groupes de parole lui ont permis de rompre avec l’isolement. « Aujourd’hui, je sais dire “non’ et je prends le temps de faire les choses à mon rythme. J’ai également effectué le stage pour devenir bénévole Sentinelle. »

 

Le dessinateur et graphiste Guillaume Danel a illustré les propos des intervenants tout au long de la table ronde.

 

80 bénévoles au sein du réseau Sentinelles

Car c’est l’un des enjeux du plan interministériel de prévention du mal-être agricole, coordonné localement par l’Adasea et la MSA : détecter le plus tôt possible les difficultés des exploitants pour les aider à rebondir. Le réseau Sentinelles compte environ 80 bénévoles formés sur ce volet prévention, dont Mickaël Jacquemin, agriculteur et élu MSA.

« On parle beaucoup des exploitants, mais n’oublions pas les salariés et les jeunes retraités, souligne-t-il. L’idée, c’est de remettre au cœur de la profession les relations humaines, la confiance et la solidarité. » Sans jugement et dans un respect mutuel.

« Jeunes ou moins jeunes, femmes ou hommes, petites ou grandes exploitations : il n’y a pas de profil type pour être confronté au mal-être, dixit le président de l’Adasea 51, Constant Floquet. Le collectif a un rôle à jouer : se soucier de l’autre, discuter avec ses voisins qui ne vont peut-être pas bien. » Et alerter à temps.

 

Contacts :

  • Prévention du mal-être agricole : mal_etre.blf@mam.msa.fr.
  • Agri’Écoute : 09 69 39 29 19 (service disponible 24 h/24 et 7 j/7).

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