Le 14 avril 1951, jour de l’assemblée générale du SGV, est aussi celui de l’inauguration du nouveau bâtiment du CIVC, la « Maison du Champagne », en présence de Pierre Pflimlin, ministre de l’Agriculture, et de Pierre Schneiter, ministre de la Santé publique. Les discours d’Henri Macquart, président des vignerons, de René Chayoux, président des négociants et…
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Les vendanges : après l’abondance, la pénurie
Le 30 avril 1951, le gel a frappé, impitoyable. La Champagne Viticole fait le bilan : "Même en espérant une montre importante de contre-bourgeons, il n’est pas téméraire de penser que la moitié au moins de la récolte est définitivement perdue." Au mois d’août, les dégâts sont confirmés : il faut s’attendre à une récolte inférieure de 60 à 70 % par rapport à la normale. Alors qu’en 1950 les vignes croulaient sous la charge, en 1951 l’offre des vignerons ne couvrira pas la moitié du besoin du commerce. Dans ce contexte, comment aborder la négociation du prix avec le négoce ?
Dans La Champagne Viticole du mois d’août, Henri Macquart invite les vignerons à la réflexion : "Si l’on s’en tient à la loi de l’offre et de la demande, il est hors de doute que le vigneron sera le maître du marché. A quelque prix que ce soit, le raisin sera acheté. Ceci bien admis, examinons s’il est honnête et sage de profiter jusqu’au bout de cette situation […] Il est vraisemblable que certains vignerons le souhaiteront […] Mais, de toute façon, pour celui a trop peu de récolte, même à un prix unitaire considérable, la récolte restera minime. Pour obtenir immédiatement un peu plus, n’oublions pas que ce sont les années de récolte normale ou importante que nous sacrifierons. Et cette fois, la différence sur le prix du kilogramme se fera nettement sentir sur la recette. […] A la réflexion, je suis persuadé qu’agir sans mesure serait pour le vigneron lâcher la proie pour l’ombre." Aux côtés de son président, le conseil d’administration du SGV a tranché : le vignoble ne cédera pas à la tentation de la spéculation. Malgré la pénurie, il respectera les accords conclus avec le négoce, sans faire de surenchère. En 1951, l’économie est dynamique et le contexte commercial est très porteur. De ce fait, l’évolution du prix de la bouteille et l’application du coefficient de conjoncture définis au niveau interprofessionnel garantissent mécaniquement une hausse significative du prix du raisin par rapport à 1950. Inutile d’en rajouter.
Ainsi, après avoir obtenu à la fin de la décennie 1940 la mise en place d’un dispositif d’indexation entre le prix de la bouteille et le prix du raisin, le SGV confirme en 1951 sa volonté d’engager la Champagne dans une logique de régulation collective, privilégiant l’intérêt de tous les vignerons dans la durée plutôt que l’intérêt de quelques-uns à court terme. Les représentants du vignoble au sein du CIVC avaient pleinement conscience que s’ils prenaient la responsabilité de rompre l’accord négocié avec le commerce, ce dernier ne se priverait pas, à l’avenir, d’en faire autant quand le rapport de force lui serait favorable.
Pour permettre aux vignerons de recourir à l’emprunt le plus tard possible, le SGV obtient un rapprochement des échéances de paiement (40 % au 15 novembre, puis le reste au 15 janvier et au 15 avril) et décide de se rapprocher des services fiscaux et du Crédit Agricole afin de négocier des échéanciers et des conditions d’emprunts bienveillantes pour les exploitations en difficulté économique.