Le Champenois Franck Leroy élu président des régions européennes viticoles

Le président de la Région Grand Est a été élu à l’unanimité à la tête de l’Assemblée des Régions européennes viticoles (Arev), pour un mandat de deux ans renouvelables. Européen convaincu, Franck Leroy inscrit son action dans une démarche de mobilisation collective pour répondre aux enjeux de la filière viticole. La Champagne Viticole l’a interrogé sur quelques thématiques qui inquiètent particulièrement le vignoble champenois. 

Temps de lecture : 6 minutes

Auteur : Alain Julien

Quelle a été votre motivation pour votre candidature à la présidence de l’Arev et quels sont les principaux défis qui vont marquer votre mandat ?
J’ai toujours été très attaché à la viticulture et j’ai toujours été aux côtés des professionnels de la vigne et du vin. Je considère que nos vignobles sont des piliers de notre patrimoine culturel, de notre économie et de nos territoires.
L’Arev est une organisation très importante qui représente près de 45 % du vignoble mondial et 67 % de la production. Cette organisation croit fondamentalement dans les valeurs de ce patrimoine et nous le défendons alors qu’il fait l’objet d’un certain nombre de menaces.

Dans l’immédiateté, c’est la menace des taxes agitées par le président américain qui nous préoccupe, mais nous devons faire face à la menace environnementale parce que le dérèglement climatique est en mesure de bouleverser tout notre savoir sur nos terroirs et également à la menace de diabolisation des consommateurs du vin.

 

Quels liens entendez-vous nouer avec les professionnels champenois ?
Bien sûr, Il y a des attaches particulières parce que je connais cette filière champagne depuis plus de 30 ans. Forcément, quand on rencontre les acteurs, les vignerons, les coprésidents du Comité Champagne, les présidents des coopératives, les négociants, cela crée des liens. Mais en tant que président de la Région Grand Est, je suis au service d’un territoire viticole qui ne compte pas que la Champagne, et maintenant en tant que président de l’Arev, je suis aux côtés de toutes les Régions européennes qui m’ont fait confiance.

On est tous embarqués dans une même filière et je défends celle-ci dans sa globalité. L’important, c’est de mener ce combat ensemble. Pour être influent à Bruxelles, il faut être mobilisé et uni.

 

Le SGV a récemment décidé de suspendre les travaux de l’Inao sur la révision de l’aire d’Appellation en raison du risque que font peser les plantations de vignes destinées aux Vins sans indication géographique (VSIG) sur l’intégrité de notre AOC. Comment comptez-vous accompagner la filière qui attend de la prochaine réforme européenne du secteur une évolution des règles afin d’éviter de devenir à terme un vignoble mixte ? 
Déjà, je partage totalement ce combat. L’interprofession champenoise a su démontrer son efficacité avec ses outils de régulation et a fait en sorte, avec ses exigences, qu’on produise des vins dont la qualité n’a cessé de s’améliorer. Si effectivement, on autorise maintenant au milieu d’une appellation d’autres types de plantation de vigne sans aucun contrôle possible, c’est tout un vignoble que l’on perturbe. La circulation de vins, issus de ses vignes au cahier des charges très sommaire, pourrait être de nature à faciliter la fraude. Par ailleurs, cela pourrait brouiller l’image du champagne et menacer la relation de confiance avec les consommateurs.

Au sein de l’Arev, nous sommes évidemment aux côtés des professionnels pour leur apporter tout notre soutien. Nous partageons totalement l’esprit de leur combat, à savoir perpétuer cette tradition viticole en Europe, et faire en sorte d’être toujours plus exigeants sur le plan qualitatif comme sur le plan environnemental.

Le commissaire européen à l’Agriculture Christophe Hansen doit présenter d’ici fin mars un paquet de mesures pour soutenir le secteur viticole en lien avec les recommandations du Groupe de haut niveau sur le vin. Nous suivrons naturellement en lien avec les différentes institutions européennes, dont la Commission européenne et le Parlement européen, ces annonces avec attention, et plus largement les propositions de simplification qui pourraient intervenir dans le cadre de la PAC.

 

« Il faut développer et encourager un apprentissage de la culture du vin »
Franck Leroy, président de la Région Grand Est et de l’Arev

 

Nous constatons la montée en puissance de lobbies hygiénistes qui militent pour des mentions sanitaires anxiogènes ou encore la suppression des aides à la promotion. Quelle approche avez-vous pour défendre le secteur face à ce risque de dénigrement du vin ? 
Là aussi, c’est un combat que nous menons en commun. Nous savons qu’il existe un certain nombre de lobbies, voire parfois de pays qui n’ayant aucune culture du vin, considèrent que c’est un produit dangereux.
Certains estiment que seul l’interdit permet de réguler une société, alors qu’on touche à ce qui me semble être l’un des fondements de la culture européenne. Le vin fait partie depuis des siècles de notre patrimoine et consommé modérément, il ne pose aucune difficulté.

Je rappelle que mon prédécesseur à la tête de l’Arev, l’espagnol Emiliano García Pagès, s’est battu pour la reconnaissance du régime méditerranéen par l’UNESCO en 2013. Or ce régime prône la modération, et en quelque sorte, les valeurs de consommation modérée et responsable sont inscrites au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Ceux qui ont une consommation équilibrée, modérée, responsable n’ont pas à être sanctionnés par quiconque. Victor Hugo dit que « la liberté commence où l’ignorance finit », je pense qu’il faut développer et encourager un apprentissage de la culture du vin. Et quand on est éduqué, on peut vivre plus libre et je ne crois pas que multiplier les interdits corresponde à l’aspiration de nos concitoyens. Nous demandons que la consommation responsable soit reconnue à son juste niveau. Il y a en jeu une tradition ancestrale, un patrimoine de savoirs et une économie. La main de l’homme a du génie, et s’il y a un domaine dans lequel elle a su s’exprimer, c’est bien celui de la viticulture.

 

Quel est votre sentiment face au risque de repli des États et au retour du protectionnisme au sein même de l’UE ?
Je n’ai pas le sentiment qu’il y a à l’intérieur de l’Europe une volonté protectionniste.
L’Union européenne est en train de prendre conscience, notamment en raison des positions inquiétantes du président américain, qu’elle est une puissance en elle-même. Nous représentons une force économique et militaire majeure à l’échelle du monde. Mais on a toujours raisonné en minimisant ce fait et en trouvant confortable le parapluie américain.

Donc aujourd’hui en Europe, il faut assumer le fait que nous sommes des acteurs majeurs dans les domaines du commerce, de l’industriel ou encore de l’agriculture. À nous, en France, de faire partie de manière pleine et entière d’une Europe qui respecte les identités, d’une Europe qui respecte les spécificités de ses territoires, mais qui sache s’afficher comme une force.

 

Concernant les pays tiers, quels moyens l’UE peut mettre en place pour contrer les politiques commerciales très agressives et quelques fois outrancières qui prennent les vins et spiritueux en otage ?
D’abord, il nous faut trouver des alliés aux États-Unis. Les affirmations excessives du président Trump nuisent à l’économie américaine. La bourse américaine, les grands groupes industriels, certains élus républicains prennent déjà leurs distances. Tous les acteurs de l’économie américaine savent bien que si on taxe tout ce qui rentre aux États-Unis, cela va renchérir les coûts de production.
Par ailleurs, les barrières douanières qui vont s’ériger en contrepartie des taxes décidées par le président Trump vont coûter aux Américains.

Nous devons renforcer nos relations auprès des acteurs économiques américains qui n’ont surtout pas envie d’une guerre commerciale de cette nature. À nous de leur demander de s’exprimer à nos côtés pour dire non à ce monde-là qui promet la régression et l’inflation.

Le rôle de l’Arev

Créée en 1994 en Sicile, l’Assemblée des Régions européennes viticoles est une structure associative qui défend et promeut les intérêts de quelque 41 Régions européennes viticoles auprès des instances communautaires européennes.

Elle est composée d’élus des Régions et de représentants des organisations professionnelles. Le président de l’AREV, élu pour deux ans, est nécessairement président en exercice d’une Région d’Europe membre. Les représentants professionnels sont regroupés au sein du Conseil européen professionnel du vin (Cepv), chargé d’élaborer les textes. La région Grand Est a adhéré fin 2024 à l’Arev dans le cadre du renouvellement du contrat de filière pour la période 2024-2027.

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