L’épopée des coopératives vinicoles de Champagne – Partie 1

Au fil d’une série d’articles, La Champagne Viticole et la section Champagne de la Coopération Agricole Grand Est reviennent sur l’histoire de la coopération champenoise, fer de lance des valeurs syndicales et outil économique au service du vignoble.

Temps de lecture : 3 minutes

Auteur : Elise Le Henaff, La Coopération Agricole Grand Est

Edmond Bin, premier président de la Fédération des syndicats de Champagne.

Une mutation économique sans précédent s’opère en Champagne au cours du XIXe siècle : le Champagne connait un développement international qui fonde sa renommée. Toutefois, les profits réalisés au cours de cette expansion sont inégalement répartis entre l’émergence d’un négoce florissant et le vignoble qui demeure traditionnellement modeste. 

Ce phénomène d’expansion continuera de se développer au début du XXe siècle, augmentant les besoins d’approvisionnement des négociants et les conduisant à élargir la zone de leurs approvisionnements. Le besoin d’une règlementation devient évident avec l’objectif de réguler le marché de la matière première en assurant un cadre strict à l’origine des vins utilisés pour l’élaboration du Champagne. 

Et c’est bien ce qui va se passer dès le début du XXe siècle, sous l’impulsion d’hommes qui ont construit la Champagne viticole, tels qu’Edmond Bin, qui a su rassembler les vignerons par ses propos percutants : « Faites comme les négociants, groupez-vous. Isolés, vous n’êtes rien et ne serez jamais rien. Groupés, vous serez tout ». C’est dans ce contexte que la Fédération des Syndicats de la Champagne réunissant les syndicats locaux des vignerons, est née le 21 août 1904, avec pour objectif de : lutter contre la fraude, construire l’AOC Champagne et établir un équilibre dans les rapports avec le négoce afin que les vignerons champenois puissent vivre de leur travail. 

Edmond Bin ira plus loin pour renforcer le poids des vignerons dans la filière. Il affirme ainsi en pleine crise « Nous sommes au pied du mur. Il nous faut agir rapidement et spectaculairement. Nous allons discuter le prix du raisin avec le négoce. ». Ce premier rendez-vous entre les producteurs et les négociants, chez Monsieur le Comte Werlé à Reims représente le premier succès des représentants du vignoble : vignoble et négoce ont traité d’égal à égal. 

Déjà à l’époque, les vignerons champenois s’attachent, compte tenu de l’essor commercial du Champagne, à cultiver leurs vignes selon des pratiques soignées et appropriées afin de préserver au mieux les récoltes. Ainsi, la viticulture champenoise se spécialise dans l’approvisionnement de raisins destinés à élaborer du vin de Champagne. Cependant, la situation du vignoble reste fragile puisqu’il demeure la variable d’ajustement au regard à la fois de la situation des marchés, mais aussi des aléas météorologiques, climatiques et sanitaires. 

 

Peser dans les négociations interprofessionnelles

Les dirigeants de la Fédération des Syndicats de Champagne ont conscience que ces aléas rendent la situation des vignerons précaire et sujette à trop de variabilité d’une année sur l’autre. Ils sont également conscients qu’il est nécessaire de limiter ce que la presse de l’époque appelle « la folie abracadabrante de la bourse viticole » en évitant les amplitudes de prix trop marquées d’une vendange à l’autre, nuisibles à long terme pour l’ensemble de la filière et à court terme pour le consommateur. 

Cela va conduire les premières réflexions des responsables politiques de la Fédération des Syndicats de Champagne visant à donner plus d’indépendance et d’autonomie aux vignerons. Pour y parvenir, les vignerons doivent se mettre en mesure de transformer la matière première qu’ils produisent : le raisin. Ainsi, ils ne seront plus tenus de vendre à n’importe quel prix, dans des conditions qui peuvent leur être défavorables. Or, peu de vignerons sont capables d’effectuer les investissements qui permettraient d’acquérir les outils et les infrastructures nécessaires à la transformation du raisin en moûts. Les coopératives, par la force du regroupement, vont alors trouver tout leur sens et permettre de transformer et de conserver la matière première si les conditions de vente face au négoce ne sont pas convenables. L’intérêt est également politique, dans la mesure où les coopératives vont organiser le vignoble et regrouper l’offre de raisin à la vendange, permettant ainsi de peser dans les échanges. 

Dès les années 1920, les coopératives de pressurage et de vinification — mais aussi très vite de champagnisation — sont créées et se multiplient dans le vignoble. Dans les années 1930, la coopération, devenue pour beaucoup de vignerons un moyen de survie face à la crise, se renforce et c’est en 1939 qu’est créée la fédération des coopératives de la Champagne, regroupant 28 coopératives. 

 

Partie 2 : Création de la Fédération des Coopératives Vinicoles de Champagne en 1939

 

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