Les vignerons champenois invités à « changer de logiciel sur l’Europe »

Les agriculteurs sont souvent vent debout contre l’Europe. Lors de la dernière session de la mandature de la Chambre d’agriculture de l’Aube, le directeur adjoint du SGV, Pascal Bobillier-Monnot, et une représentante de Grand Est Europe, Marie Clotteau, sont intervenus pour les inviter à mieux appréhender les institutions UE et les manières d’influer sur les directives et règlements. En amont, si possible…

Temps de lecture : 4 minutes

Auteur : Philippe Schilde
Vincent Martin entouré de Marie Clotteau et de Pascal Bobillier-Monnont.

En photo : Vincent Martin, entouré de Marie Clotteau et de Pascal Bobillier-Monnot.

 

Pour une fois, commençons par la conclusion. Celle du directeur politique du SGV, Pascal Bobillier-Monnot : « Intéressez-vous à ce qui se passe en Europe ! Il faut changer de logiciel vis-à-vis de l’UE, mieux comprendre les institutions et les enjeux au sens large. Et, en particulier pour l’agriculture et la viticulture. Nous avons besoin d’Europe ».

Alors que de manière très symbolique, les agriculteurs aubois avaient choisi le rond-point de… l’Europe à Troyes pour, quelques jours plus tôt, manifester avec fracas leur colère et dénoncer, entre autres, l’accord entre l’UE et le Mercosur, il n’a pas semblé paradoxal à Vincent Martin, viticulteur aubois siégeant à la fois à la CA10 et au SGV d’initier une intervention relative à la « nouvelle mandature européenne », avec « état des lieux et perspectives » pour notre agri-viti nationale. Et champenoise aussi, bien évidemment !

Au contraire, lui-même a fait le raccourci entre la manif passée et le débat du jour proposé au cœur d’une session de la Chambre auboise, la dernière de la mandature pilotée par son président Alain Boulard, en présence du nouveau préfet, Pascal Courtade, et de parlementaires aubois.

La volonté n’était pas ici d’exonérer l’Europe des critiques qu’elle mérite parfois, mais de faire œuvre de pédagogie et de montrer qu’en changeant de prisme vis-à-vis des institutions européennes, elles pouvaient être mises à profit pour envisager des voies de progrès.

 

L’importance des lobbys

Venue de Bruxelles, où elle fait partie de l’équipe de Grand Est Europe (la représentation de la Région & Collectif régional dans la capitale européenne), Marie Clotteau, chargée des questions d’environnement, de climat et d’agriculture, a d’abord campé le décor. Avec un focus sur les différentes institutions et leur mode de fonctionnement.

Au passage, elle a tenu à rappeler que le citoyen français avait deux façons d’avoir une influence sur l’UE : « Influence directe, en votant pour élire ses représentants au Parlement, et indirecte à travers la représentation du gouvernement français au sein du Conseil de l’Europe ».

Des choix sont possibles et il vaut mieux, selon elle, influer sur la mise en œuvre de la politique européenne s’exprimant à travers des directives et règlements. « Ces derniers sont applicables directement dans le droit français tandis que les directives peuvent être adaptées, interprétées, ce qui laisse une marge de manœuvre. »

D’où l’importance et l’utilité des lobbys. « Attention, ce n’est pas un gros mot », lâche-t-elle, en évoquant l’encadrement de ces derniers et leur action auprès des « groupes d’experts » dans le cadre des « actes délégués ». Indiquant que le Commissaire européen désigné à l’Agriculture et de l’Alimentation, auditionné il y a peu, préparait « sa feuille de route » et qu’elle aurait un impact sur la PAC 2025, elle a noté qu’il faisait du « renouvellement générationnel l’une de ses priorités ».

Au niveau de la Commission, justement, elle a précisé que la présidente Ursula von der Leyen avait fait de la « compétitivité à tous les niveaux » le mot fort de la nouvelle mandature. Pour mémoire, la précédente avait été dédiée au « Pacte vert ».

 

Pour un travail en commun agri-viti

Considérant que la France était ressortie « affaiblie des élections UE de juin dernier », les députés agri-viti bien impliqués n’ayant pas été réélus « ni même en position éligible sur les listes », Pascal Bobillier-Monnot a estimé qu’il fallait « en tirer les conséquences » alors même que les agriculteurs et viticulteurs « ont besoin d’Europe ». « Et nous comptons sur vous », a-t-il lancé en direction des élus aubois, invités à s’investir dans les commissions des affaires européennes du Sénat et de l’Assemblée pour permettre aux territoires et à la Champagne de « peser toujours plus ». « Et ce, d’autant plus que l’on traverse une crise viticole grave (“-18 % de production en Europe en 2024 par rapport à 2023”, “déclin structurel avec une baisse de la consommation de vin marquée ces dernières années”, “tous les voyants au rouge à l’export”…) ».

Face aux enjeux du moment, il a évoqué la mise en place d’un groupe à haut niveau sur l’avenir de la filière vitivinicole européenne visant à « produire des recommandations et à servir de base pour la négociation de la prochaine PAC pour le secteur vin (2027-2031) qui débutera mi -2025 ».

« La représentation de notre secteur est complexe au niveau européen. Concernant la Champagne, nous avons pris nos responsabilités en ouvrant notre propre cabinet à Bruxelles. Mais face aux enjeux géopolitiques, environnementaux, commerciaux, etc., nous croyons qu’il est nécessaire d’avancer avec les syndicats à vocation générale. Nous avons besoin de la FNSEA à nos côtés », a-t-il affirmé, persuadé que le « travail en commun agri-viti » sera gagnant.

Un tonnerre d’applaudissements a salué cette proposition et nul doute que la nouvelle équipe issue des prochaines élections à la Chambre d’agriculture saura s’en souvenir.

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