Trois questions à… Olivier Piton*, avocat, spécialiste de la politique américaine
« L’alternance est une bonne nouvelle »
L’élection de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis peut-elle conduire l’administration américaine à faire marche arrière sur les taxes Trump (qui frappent en particulier les vins européens, notamment français) ?
C’est probable. Joe Biden a clairement laissé entendre, durant la campagne, qu’il souhaitait rompre avec la logique de confrontation de son prédécesseur. Le retour à une certaine normalité entre l’UE et les Etats-Unis dans le domaine économique, notamment, est donc attendu. C’est la bonne nouvelle, entre autres choses, de cette alternance.
Pensez-vous que Joe Biden jouera rapidement l’apaisement dans les tensions qui opposent l’Asie, en particulier la Chine, avec les Etats-Unis d’une part et avec l’Europe d’autre part ? Lequel des deux continents privilégiera-t-il ?
Je pense qu’en revanche l’affirmation d’une concurrence dure et assumée avec la Chine se poursuivra. Le président-élu a été également très clair sur le sujet durant la campagne. Les tensions économiques - voire pire - entre les deux géants vont se poursuivre et sans doute s’intensifier. Comme sous l’administration Obama - dont Joe Biden a repris de nombreux cadres pour constituer son cabinet -, toute l’attention des Américains va se porter sur l’Asie et plus particulièrement la chine et ses voisins immédiats. L’Europe va être appelée à faire preuve de solidarité avec une Amérique qui sera en recherche d’un nouveau leadership. Notre marge de manœuvre avec les Chinois sera faible, surtout si des sanctions économiques voire des embargos sont mis en place un jour.
Sous la présidence de Donald Trump, les négociations avec l’Union européenne n’ont pas été considérées comme prioritaires. Pensez-vous que l’arrivée d’une nouvelle administration américaine est susceptible de redynamiser les discussions bilatérales en vue de la conclusion d’un accord de libre-échange ?
Il est certain que Joe Biden sera très favorable à la conclusion d’un accord de libre-échange sur le modèle que l’UE a signé récemment avec le Canada. Le problème, paradoxalement, se posera davantage du côté européen que du côté américain quant à son acceptation finale.
Ph.S.
*Olivier Piton est avocat en droit public français, européen et américain. Il a collaboré auprès de trois ambassadeurs de France aux États-Unis sur les affaires publiques et les relations gouvernementales, et a créé et dirigé la cellule de stratégie d’influence de l’ambassade de France à Washington DC de 2005 à 2010. Il est l’auteur de La Nouvelle Révolution américaine (Chez Plon, 2016)
et de Les transgressifs au pouvoir (Chez Plon 2017).