Observer le sous-sol pour comprendre les futurs vins

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La dégustation tactile et olfactive du sous-sol de la vigne n’a rien de folklorique. Elle explique le profil sensoriel des futurs vins, assemblés ou non. Exemple frappant avec le spécialiste Geoffrey Orban, dans quatre terroirs différents que travaille David Bourdaire à Pouillon, Thil et Villers-Franqueux.

“Je me suis aperçu, au cours de mes recherches, que le profil sensoriel des vins était en relation étroite avec les éléments du sous-sol dont la vigne se nourrit. En examinant un horizon du sous-sol directement prélevé puis en infusion dans l’eau, la terre libère des odeurs (molécules organiques généralement soufrées) qui livrent l’univers tactile et aromatique du futur vin en correspondance avec cet horizon. Donc si je suis le profil des petites racines, je vais savoir ce qu’elles vont ‘manger’ et donner comme signaux de synthèse organique aux feuilles (la photosynthèse permet de créer des molécules organiques qui seront à la base des éléments colorants, aromatiques, tactiles et sapides du vin).” Paroles d’un spécialiste en œnologie et biochimie, le Champenois Geoffrey Orban, de plus en plus sollicité pour son expertise de terrain.
On le voit dans les vignes, accompagné des vignerons, déplier une table, y poser trois prélèvements de terre empruntés au sous-sol et trois verres à dégustation. Débute alors l’expertise. La terre brute, qu’il pétrit et hume, puis la découverte olfactive dans le verre avec un peu d’eau. Nez et mains donc, bien évidement Geoffrey ne mange pas et ne boit pas la terre (ce genre d’inepties que l’on peut entendre lorsque ce que l’on ne comprend pas dérange…).
Découvrir plus en profondeur les terroirs travaillés
L’aventure des terroirs menait cette fois Geoffrey à Pouillon, Thil et Villers-Franqueux, à l’initiative de David Bourdaire, 10e génération sur Pouillon, vigneron indépendant depuis 2002. David exploite 6,70 ha sur ce massif de Saint-Thierry (85 % meunier, 10 % chardonnay et 5 % pinot noir) et commercialise six cuvées non dosées. “Nous avons une belle diversité de terroirs, avec une dominante sableuse”, précise l’élaborateur. Au pressoir, je sépare les cépages, les communes et les porte-greffes. L’objectif d’aujourd’hui, avec Geoffrey, est de découvrir plus en profondeur mes terroirs travaillés, pour affiner la ‘dissection’ de l’exploitation, pour être beaucoup plus fin et précis en cuverie. Par exemple, le même cépage avec porte-greffe différent mais sur un même type de sol, pourquoi ne pas le regrouper en cuverie pour accentuer cette typicité sableuse ? Mon objectif serait de renouveler cette expérience chaque année pour un tour le plus complet possible de l’exploitation. Le terroir est le support de la vigne, c’est lui qui la nourrit, qui donne ses caractéristiques aux raisins et aux vins qui en découleront.”
Ce sujet passionne David Bourdaire, il motive sa philosophie de travail et intègre son discours professionnel. “Lorsque je reçois les clients ou importateurs, nous allons bien sûr dans les vignes. Sur 800 mètres je leur présente quatre natures de sol différentes ! Ils comprennent ensuite les typicités ressenties en dégustant mes vins. En Champagne, c’est toute cette diversité qui fait la richesse de l’AOC.”
http://bourdaire-gallois.fr/
http://www.educavin.com/

Quatre sous-sols, quatre profils

Voici, résumée par Geoffrey Orban, son expertise sur les quatre sous-sols "dégustés" avec David Bourdaire. L’expérience impliquait trois prélèvements (horizons) par parcelle. Haut, milieu et bas de la coupe. Parcelle Les Hauts Frinquettats (sables du thanétien), meunier à Villers-Franqueux : terre très grumeleuse (travail de David) sur tout le profil, avec des sables roux (floral, très délicat), puis des sables blanchâtres et gréseux (fruit de la passion, clémentine, amande, pamplemousse, léger, aérien). Les petites racines sont sur ces deux horizons de bas de fosse. Le profil sensoriel est souple, frais, exotique, avec des nuances de rose et d'amande, effet tactile granuleux.   Parcelle Ave Maria (argile du sparnacien), pinot noir à Pouillon : descente régulière des racines, atmosphère asphyxiante : porte-greffe SO4 plongeant et donnant moins de vigueur. Terre plus riche, premier horizon avec des notes de fruits charnus (cassis, framboise, prune) puis odeurs de chèvrefeuille, amande. Plus bas, terre plus riche et collante très nuancée en parfums (céréales, bergamote, menthol). La parcelle fournit un profil enrobé avec un côté variétal de fruits rouges qui devient plus nuancé (floral à évolution future vers le miel), puis des notes fraîches et gourmandes. Une bombe aromatique et d'enrobage gourmand.

Dès l'infusion des sables dans l'eau, ce terroir de Thil (meunier) dévoile un parfum net de mandarine. C’est bluffant.

Parcelle Les Montants (thanétien) sur Thil, meunier : sables jaunes puis sables blancs inter-stratifiés avec des oxydes de fer. Très grande fluidité, fraîcheur élégante et puissance d'agrumes sur la mandarine et les fruits de la passion d'une évidence déconcertante. Les odeurs sont déjà perceptibles dans l'infusion des sables dans l'eau. Très bon terroir pour ce meunier exotique et frais.         Parcelle Les plantes (sparnacien), Pouillon, meunier : sables argileux assez homogènes sur le profil mais parfums différents. Enrobage fruité (fraise, mangue, pêche, ananas) et iodé puis en bas charpente et vinosité avec puissance et ossature (odeur de cassis, figue). Le meunier va pinoter. A noter que tous les profils ont livré des notes mentholées.

Qu’est-ce que l’effet terroir ?

La dégustation olfactive et tactile (mains, doigts aussi) permet d’appréhender le ou les horizons qui constituent l'effet terroir lié au sous-sol et de savoir comment la vigne se situe dans sa parcelle, en fonction des éléments naturels et du travail du vigneron. "Cette expertise permet aussi, précise Geoffrey Orban, de répondre à un souci de la vigne ou à des interrogations sur le profil des vins. La compréhension d'une parcelle commence par sa plantation, sa préparation, le travail du vigneron, le cépage choisi avec son porte-greffe. Mon étude permet d'aller bien au-delà de l'analyse agronomique (nutrition basique sur les 50 premiers centimètres du sol) et d'aller voir plutôt ce qu'il se passe dans le sous-sol. Lorsque je déguste les vins issus des parcelles (vins clairs et éventuellement champagnes), on y retrouve parfaitement (c'est cela qui est bluffant) le profil étudié et suggéré. On sait même raccrocher une odeur ou une famille d'odeurs du vin à un horizon du sous-sol."

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