Transmission : Guillaume S.
se fait un prénom
Déjà dans le top 20 des flacons de champagne vendus aux enchères en 2020 ! D’après le palmarès établi par iDealwine (relatif aux ventes réalisées au cours du premier semestre) Guillaume Selosse pointe en 12
e position avec une bouteille de sa cuvée « Au Dessus du Gros Mont ». Certes, en termes de prix déboursé pour une bouteille, il reste encore assez loin d’un « Brut grand cru blanc de blancs » signé Jacques Selosse (5
e place, occupée par son paternel) et de quelques vieux millésimes élaborés par de grandes maisons champenoises, mais il figure parmi les nectars dont la rareté attise la convoitise d’amateurs de champagne privilégiés en quête de vin d’exception.
Cette cuvée « Au Dessus du Gros Mont » est le fruit d’une belle histoire que Guillaume ne se lasse pas de rapporter avec beaucoup de tendresse dans la voix : « A mes 18 ans, en cadeau d’anniversaire, ma grand-mère paternelle m’a offert une parcelle de presque 8 ares située sur Cramant. Elle m’a dit : ‘C’est ton jardin, tu peux y conduire tes propres expériences’. Le souhait qu’elle a alors émis était que les bouteilles issues de cette parcelle soit chaque année une occasion de se souvenir d’elle. Avec "Au Dessus du Gros Mont", je m’efforce de lui rendre le plus beau des hommages ». Et, vu que le produit « matche avec les consommateurs », il est d’autant plus heureux de parapher cette création ‘Guillaume S.’ ». Le choix de gommer le patronyme sur l’étiquette pour ne garder que la première lettre du nom est volontaire de sa part. Sans renier ce qu’il a appris aux côtés d ‘Anselme, il entend affirmer sa propre identité, un caractère différent du papa. Pendant de ce Blanc de blancs, un Blanc de noirs baptisé « Largillier » a été créé en collaboration avec un vigneron de la Côte des Bar, Jérôme Coessens, en cours de conversion bio. « Il me fournit des pinots qui parlent, qui chantent, qui rigolent. Je les vinifie deux ans sous bois et un an en cuve, de manière à user le vin avant de le rajeunir ensuite avec la prise de mousse », révèle-t-il, en montrant sa capacité à tracer sa propre voie, à s’émanciper.
Savoir-faire et surtout savoir-réfléchir
Le rapport au père ? « On s’engueule de moins en moins, on se comprend de mieux en mieux », sourit le jeune homme aussi ébouriffé qu’enthousiaste à l’idée de poursuivre des expérimentations, véritables marques de fabrique de la maison. Se mettant peu à peu en retrait, mais toujours prêt à « faire vivre le maximum d’expérience » à son garçon, Anselme Selosse se réjouit de la manière dont la transmission s’opère. Guillaume a des visions, des envies. Il n’a pas chaussé les pantoufles de son père, « il n’est pas là pour reproduire ce que j’ai fait. Il porte des remises en question et des réflexions qui lui sont propres. Cela me fait plaisir. »
Par exemple, là où, pour des questions de biodiversité, Anselme laissait beaucoup d’herbe pousser dans les vignes, Guillaume a ressorti de vieux tracteurs et repris le fastidieux travail mécanique du sol. « Il a perçu le dépérissement de la vigne lié à cette strate herbacée. Il a décidé de travailler différemment et c’est bien vu de sa part. Enfermé dans nos crédos, parfois, on ne se pose plus trop de questions sur nos pratiques. Or, des remises en cause sont utiles et nécessaires. La répétition du savoir-faire n’est pas signe d’avancée. La tradition c’est de l’adaptation permanente basée sur un savoir-réfléchir. »
Corinne et Anselme Selosse ont également une fille, Léa, qui a choisi d’être étiopathe et qui travaille à Reims. « Elle soigne la cause du mal, pas seulement les symptômes ! », annonce son père les yeux emplis de bonheur. Avec son épouse, il veille à ce que personne ne soit lésé dans la transmission, exercice complexe en Champagne : « Il faut que tout soit équitable, et là-dessus, pas question de faire des économies. »
Philippe Schilde