Bragelogne-Beauvoir, un vignoble prêt à monter en flèche

Les deux villages, fusionnés en 1973, voient l’avenir en vert - et en bleu avec la trame de la Sarce qui retrouve des couleurs - et espèrent séduire une clientèle œnotouristique en quête d’espaces préservés et accueillants. Avec ses forces vives, vigneronnes entre autres, Bragelogne-Beauvoir, commune située aux sources d’une vallée dynamique, peut croire en l’avenir.

Temps de lecture : 5 minutes

Auteur : Philippe Schilde

Quand, fin 2024, en grande pompe, il sera procédé à l’inauguration de la restauration de Notre-Dame de Paris, le champagne devrait couler à flots dans la capitale où le joyau gothique aura retrouvé toute sa splendeur.

Le divin breuvage devrait également être débouché pour l’occasion dans une commune viticole discrète de la Côte des Bar : Bragelogne-Beauvoir. L’une des plus importantes entreprises de la localité, la Scierie de Beauvoir, dirigée par la famille Georget, aura en effet contribué au retour de la célèbre flèche de l’édifice parisien, depuis peu hissée sur le faîte par des charpentiers volants.

C’est à cette société auboise que l’on a confié le soin de tailler les énormes grumes de chêne spécialement sélectionnées et débitées en forêt du Nivernais afin de guider dorénavant tous les regards vers le ciel francilien. Qu’à la demande de l’Établissement Public chargé de la conservation et de la restauration Notre-Dame, le savoir-faire local en la matière ait pu s’exprimer et s’inscrire dans une nouvelle aventure millénaire, rend fier le maire de Bragelogne-Beauvoir et ses administrés.

 Hervé Griffon, (à g.) maire de Bragelogne-Beauvoir et Denis Coqueret, président de la section locale du SGV.

Hervé Griffon et son premier adjoint Denis Coqueret, qui n’est autre que le président de la section locale du SGV, louent volontiers les talents qui composent une entreprise fortement employeuse de main-d’œuvre, et qu’ils décrivent « en plein essor ».
Certes, ils aimeraient bien que des moyens techniques et financiers soient également mobilisés par l’État pour la poursuite de la rénovation de l’église de Bragelogne (Saint-Pierre-aux-Liens) dont il ne reste plus que le chœur (datant du XIIe siècle) flanqué d’une tourelle. « Le reste de l’édifice a été détruit durant la dernière guerre », observent-ils, en rappelant que l’église de Beauvoir est pour sa part demeurée entière et qu’il convient d’entretenir « avec équité » le patrimoine des deux communes fusionnées en 1973. Les élus y tiennent, quels que soient les dossiers traités, d’ailleurs.

L’agriculture et la vigne font bon ménage, et constituent de solides ancrages.

« Sur le plan économique, outre la scierie, nous avons ici un silo du groupe Vivescia et de nombreuses structures viticoles. L’agriculture et la vigne font bon ménage, et constituent de solides ancrages. Nous disposons aussi de tout un maillage d’entreprises artisanales, actives notamment dans les travaux publics et la construction », détaillent Hervé Griffon et Denis Coqueret en notant que des diversifications et créations d’activités plus ou moins récentes (lire en encadré) ont permis d’accroître la notoriété d’une commune qui se verrait bien monter en flèche sur le plan viticole et œnotouristique.

Elle a des atouts pour cela et multiplie les initiatives, en lien notamment avec les communes d’Avirey-Lingey, de Channes et de Bagneux-la-Fosse réunies dans un entreprenant comité de Saint-Vincent de la Vallée de la Sarce, « la vallée la plus méridionale de l’AOC Champagne ».

« Depuis la Route du Champagne 2017 organisée avec Cap’C, nous mutualisons des moyens et allons de l’avant, ensemble. C’est visible notamment à travers la toute nouvelle signalétique commune mise en place. Elle flèche les multiples acteurs du vignoble champenois, les sites communaux et de patrimoine. Bientôt, nous compterons deux points de vue panoramiques bien identifiés et aménagés, l’un sur Beauvoir, l’autre sur Bragelogne », confient-ils, encouragés à dévoiler la diversité et la beauté des paysages par l’OT de la Côte des Bar et le SGV.

 

La Sarce réaménagée, fil rouge d’un environnement naturel préservé

Parmi les projets structurants pour l’avenir de ce secteur rural où se perpétuent certaines traditions dans un cadre intergénérationnel (par exemple autour de l’alambic fixe communal, des repas de chasse, des activités de l’Authentique, association de mise en valeur des richesses naturelles, historiques et culturelles locales…) figure le réaménagement de la Sarce.
À commencer par la restauration de la zone humide qui prend naissance à la source même de cet affluent de la Seine. « Pilotés par l’Agence de l’eau, les travaux ont démarré à proximité de l’un de nos deux lavoirs. Il s’agit, en éliminant divers obstacles, tels les vannages, de retrouver une continuité écologique et de réintroduire de la biodiversité naturelle tout au long de cette rivière. On nous fait la promesse que les truites vont revenir ! », confient les élus, lesquels vont signer une convention avec le Conservatoire des espaces naturels afin de prendre la mesure dans le temps de ces évolutions.
Elles seront positives sur le plan environnemental, mais également sur le plan touristique et ludique.

« Nous souhaitons que les visiteurs puissent mettre à profit ces lieux et que toute la vallée de la Sarce bénéficie d’un nouvel élan touristique et œnotouristique. Bragelogne-Beauvoir dispose de son propre gîte communal, des initiatives fleurissent dans le secteur, il faut enclencher un mouvement durable », exposent-ils.
Certes, la commune, qui comptait 295 hectares de vignes avant la crise du phylloxéra en recense moins de la moitié aujourd’hui, mais on caresse ici l’espoir qu’avec la révision de l’aire géographique de l’Appellation les lignes puissent bouger un jour. Rappelant volontiers le compliment souvent formulé à l’adresse des Doubets-Tallibautiers par quelques collègues ricetons (« Vous cultivez vos vignes comme des jardins ! »), Denis Coqueret espère que sa commune sera servie. Et le président de la section locale du SGV d’envisager déjà un passage en vignes semi-larges sur de futures parcelles supplémentaires. En attendant, disposant à la fois de l’AOC Champagne, mais aussi de l’AOP Chaource via l’élevage de laitières du Gaec de Serge Coqueret, la commune peut d’ores et déjà faire valoir une destination effervescente et gourmande.

Les truffes du vigneron Éric Collinet, un must dans la région

Originaire du Limousin et ayant travaillé en Dordogne, il était accro à la pépite du sud-ouest, la Tuber melanosporum, aussi appelée truffe noire.
« Quand je suis venu m’installer dans la Côte des Bar en 1987, reprenant une exploitation qui comprenait à la fois des vaches et des vignes, je ne savais pas qu’une autre variété de truffe pouvait se nicher dans les sols calcaires de Champagne : la Tuber uncinatum, plus connue sous le nom de truffe d’automne. Je me suis piqué au jeu du cavage de cette truffe avec mes chiens en louant des forêts dans l’Yonne voisine et en plantant en 2001-2002 des arbres truffiers (chênes, charmilles, noisetiers, pins noirs, tilleuls…) sur des terres, où un temps, j’avais opéré une diversification dans le bourgeon de cassis (destiné à la parfumerie). Et, assez naturellement, j’ai pris part à la naissance de l’AATA (Association auboise de la truffe d’automne) », révèle celui qui est devenu à la fois viticulteur et un trufficulteur bio, comptant parmi les meilleurs experts pour la chasse aux truffes dans la région.
« Avec mon épouse Martine, notre quête a toujours et été de créer un écosystème et une biodiversité sur notre exploitation champenoise », déclare cet amoureux de la nature qui, en toute modestie, a fait école donnant à d’autres vignerons l’envie de planter des arbres mycorhizés pour s’adonner à leur tour à leur passion pour ce diamant noir.

Le local, pas de quoi en faire un fromage ? Si, si !

La Ferme du Charme du Moulin est certainement l’un des lieux les plus attractifs de la commune. Douze ans après la création ex nihilo d’une chèvrerie, Karine Blandin affirme avoir réussi sa reconversion avec son mari Sébastien.
Leurs fromages - mais pas que… - font venir des environs une large clientèle, mais aussi des gastronomes fidèles captés beaucoup plus loin. Ayant travaillé une vingtaine d’années dans le milieu viticole, notamment au sein de l’Union Auboise, la jeune femme envisageait de passer un cap dans sa vie de technicienne en reprenant des études d’ingénieur en 2007-2008.
« Je ne suis pas allée au bout de ce cursus, préférant alors me lancer dans une activité de diversification, chez moi. J’ai opté pour les chèvres et dispose désormais d’un cheptel de 55 têtes. Je ne le regrette pas, car même si nous sommes excentrés, nous avons du monde tous les soirs durant notre période d’ouverture (à compter de début mars) et bien davantage encore le vendredi quand notre site accueille un point de drive pour les différents producteurs de produits locaux du secteur », déclare celle qui, outre l’activité fromagère et la vente de viande de chevreaux (en saison), cultive et transforme du safran, confectionne des articles de cosmétiques à base de plantes et propose des savons au lait de chèvre.
Cette « ferme découverte » permet à chacun de mettre la main à la pâte avec des ateliers et donne lieu à des parrainages de chevrettes très prisés des enfants (et des parents, via un système de cagnottage).
« Par ailleurs, nous sommes en train de finaliser la création d’un gîte (pour six personnes) situé à 150 mètres de la ferme car nous voyons l’intérêt des gens pour une immersion dans le milieu naturel dans le cadre de courts séjours. Nous voulons leur proposer une bulle de bonheur, avec spa-hammam – sauna, à Beauvoir ».
Pour celle qui a baigné dans la coopération et en apprécie les valeurs, « il convient d’offrir toujours plus de services, y compris à la campagne ».

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