David Bourdaire émissaire du terroir

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A 45 ans, David Bourdaire, vigneron à Pouillon, est jeune et visionnaire. Il sait que l’avenir des Champenois passe par le développement à l’international. Aussi, il court le monde à la conquête de nouveaux marchés en défendant les valeurs du terroir et d’un artisanat haut de gamme. En Inde, il vient d’aller former des étudiants qui seront demain de possibles prescripteurs du champagne. Son enthousiasme à partager et à communiquer ne connaît pas de limite… 

Quand on suit David Bourdaire sur Facebook, notamment, on a un peu l’impression que, sans cesse, il part en vadrouille à travers le monde pour promouvoir son champagne et la Champagne. « En fait, tout au plus, je dois voyager une quarantaine de jours par an, six semaines grand max. Je ne suis pas le globe-trotteur-vigneron que l’on dit. Les réseaux sociaux peuvent accentuer cette impression de bougeotte, mais je passe l’essentiel de mon temps sur mon exploitation, dans mes vignes », rectifie le viticulteur de Pouillon. N’empêche, il est malgré tout plus souvent à l’étranger que la plupart de ses collègues, et c’est certainement la clé de ses bons résultats à l’export. Il y réalise 70 % de ses expéditions.
Tout juste rentré d’Italie en août – déplacement assez classique pour lui -, il revient plus volontiers sur le voyage qu’il a effectué en Inde quelques jours auparavant, courant juillet. Celui-ci lui tient vraiment à cœur : « Je ne suis pas allé juste vendre mon vin, cette fois, mais je suis parti faire de la formation auprès de celles et ceux qui seront demain les prescripteurs du champagne dans ce vaste pays où 70 % de la population a moins de 30 ans aujourd’hui », annonce-t-il en évoquant la relation privilégiée qu’il a nouée avec l’IIHM. The International Institute of Hotel Management (Institut international de gestion hôtelière) compte une dizaine de campus en Asie. Y sont formés, par la voie de l’alternance, un millier d’étudiants qui se destinent à devenir sommeliers, cuisiniers, réceptionnistes…
« Bien sûr, ils connaissent quelques grandes marques de négoce présentes en Inde, mais ils ont soif d’en savoir toujours plus sur l’élaboration du champagne, sur son économie. Pour répondre à leur attente, j’ai passé deux jours dans l’école basée à New Delhi puis deux jours et demi dans celle de Calcutta. Pour ce faire, j’avais emporté avec moi le film du Comité Champagne qui reflète bien notre région et notre production. Devant ces étudiants très à l’écoute, j’ai détaillé l’organisation et l’économie champenoises avant de faire un focus sur notre viticulture et nos process d’élaboration. En précisant que ce n’est pas du tout la même chose que pour le prosecco, par exemple. Cette présentation dure environ trois heures, mais je rajoute bien volontiers une petite heure supplémentaire pour évoquer le vignoble du Massif de Saint-Thierry, en développant ses caractéristiques. Un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Enfin, je conclus sur ma manière de concevoir et de faire le champagne en évoquant mes propres cuvées », explique David Bourdaire. Altruiste, il a bien le droit de se montrer un peu chauvin en zoomant sur le terroir qu’il connaît le mieux et dont il n’hésite jamais à vanter les mérites, que ce soit à plus 10 000 km de chez lui ou devant un journaliste de passage sur les coteaux situés au nord de Reims. « Le pôle Nord de la Champagne », a-t-il l’habitude de dire dans un grand éclat de rire quand il parle de ce terroir, le plus septentrional de l’appellation.
En fait, cette relation établie avec l’Inde a débuté en 2015, quand l’IIHM l’a sollicité pour accueillir chez lui une douzaine d’étudiants méritants ayant bénéficié d’un voyage d’études en Europe. « En Champagne, ils sont allés chez Pommery et ont fait un crochet par Pouillon, chez moi. Nous avons dû bien les recevoir et les intéresser puisque, en 2018, les dirigeants de cet institut international ont souhaité renouveler l’opération. Après quoi, ils m’ont demandé de me déplacer chez eux en 2019. Ainsi, j’ai pu m’adresser à un parterre bien plus large d’étudiants. Ce fut l’occasion de communiquer plus en profondeur aussi sur notre région, notre métier, notre produit. »
Pédagogue dans l’âme
David ne s’est pas fait prier pour y aller. L’international est inscrit dans les gènes de ce quadra perpétuellement en mouvement. Il en est intimement convaincu : il faut porter toujours plus loin et toujours plus haut la parole des vignerons champenois, expliquer leurs savoir-faire, leurs valeurs et leurs différences… « Selon les démographes, autour de 2025, l’Inde comptera davantage d’habitants que la Chine. Il est donc nécessaire d’être également présent sur ce marché. Nos ventes sont appelées à croître », suggère-t-il, heureux de faire partie des pionniers parmi les vignerons ayant la possibilité d’aller y transmettre leur passion, avec leurs mots et leur authenticité. Pas de bling-bling au pays de Bollywood, mais des boulevards à ouvrir selon lui. « Le travail de fond, c’est la base d’une réussite future dans les pays émergents. Il faut y faire preuve de la plus grande transparence sur nos pratiques, car avec Internet, tout ce que vous avancez pourra être décrypté, contrôlé », appuie-t-il.
« Avant de quitter Calcutta, un dîner était organisé en mon honneur et j’ai pu rencontrer de grands patrons ainsi que des représentants de la presse indienne, ce qui ne gâte rien », avoue-t-il. Au cours de ce moment de dégustation de ses propres vins et d’effervescents indiens, il a pu noter la très bonne tenue d’un blanc de blancs élaboré dans le pays hôte. « Il faut nous réveiller, car désormais on produit d’excellents effervescents ailleurs qu’en France et qu’en Champagne », remarque-t-il.
Un niveau d’exigence de plus en plus élevé
David Bourdaire note que les questions posées par ses interlocuteurs en Inde et ailleurs à travers le monde sont de plus en plus pertinentes. « Nous avons parfois des discussions très techniques. Il m’est arrivé d’avoir à expliquer comment je m’y suis pris, dès 2005, pour réduire drastiquement l’utilisation des sulfites en vinification, par exemple. En protégeant mes vins de l’oxydation avec de la neige carbonique. Cela étonne et rend les gens encore plus curieux. »
Quand ils viennent à Pouillon pour vérifier ses dires et déguster ses six cuvées – la gare TGV de Bezannes facilite l’accès des visiteurs dans le Massif de Saint-Thierry -, il propose une balade (une bonne heure de marche) dans ses vignes, une binette à la main, pour faire découvrir la nature du sol différente d’une parcelle à une autre. Il fait toucher et humer cette terre dont la salinité et la minéralité se traduiront dans l’expression des vins. Pour montrer la composition du sol, il n’hésite pas à pousser l’expédition (en fourgon, cette fois) vers la sablière de Châlons-sur-Vesle. Devant cette dune impressionnante, David Bourdaire peut expliquer la dominante sablo-limoneuse des sols et révéler que le cépage pinot meunier, notamment, s’épanouit pleinement sur ce terroir. La preuve en est faite ensuite lors d’une dégustation dans un show-room où il prend le temps d’exposer ses options de vinification, comme le non-dosage des champagnes. Une porte ouverte sur de nouvelles discussions et sur des suggestions d’accord mets-vins. « Expliquer, éduquer et communiquer », sont les maîtres-mots de ce pédagogue par nature.

En conversion bio

Les premiers raisins certifiés bio du Champagne Bourdaire-Gallois sont attendus pour 2020. « J’ai commencé en 2016 sur le terrain, mais je n’ai enclenché réellement avec les procédures papier qu’en 2017. Les 6,70 ha que j’exploite seront donc totalement en bio l’an prochain. Et je fais tout mon possible pour emmener également les vignes que j’ai en prestation dans cette démarche, ce qui conduirait à terme à cultiver en bio environ 14 ha. David Bourdaire n’en fait pas forcément écho, mais il travaille le sol sur 1 ha à l’aide d’un cheval. « Pour moi, c’est une réponse technique, certainement pas un argument bio-marketing. J’utilise le cheval dans la plus vieille de mes vignes (centenaire en 2022 !) et dans les parcelles de jeunes plants pour ne pas risquer de les scalper avec un engin mécanique », expose-t-il en restant prudent quant au développement du travail du cheval, car il faut « analyser le bilan carbone » d’une telle pratique.

Un artisan reconnu au Japon

Le Champagne Bourdaire-Gallois enregistre des ventes en hausse sur les marchés japonais (4500 bouteilles vendues) et canadiens (2500), des pays où il a consacré pas mal d’énergie pour se faire connaître et apprécier des restaurateurs et des bars à vin (et à champagne). « Les efforts sur le haut de gamme paient, je suis entré dans le Top 15 de la restauration en Asie », explique celui qui a par ailleurs obtenu le référencement de la SAQ (société des alcools du Québec). David ne ménage pas ses efforts sur des pays moins éloignés tels que l’Italie, la Belgique ou la Hongrie où il est très présent. « Avec l’Inde, j’espère avancer de la même manière », positive-t-il, convaincu qu’avec « une production d’artisan » et « un parler-vrai » on peut aller de l’avant et réussir dans son entreprise. Et ce, malgré les aléas - notamment administratifs et fiscaux - qui peuvent freiner l’activité en France…

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