Marie-Pierre Lutet-Charpentier : « Les jeunes ont une vision structurée et forte sur l’avenir de la Champagne »

Vigneronne à Villers-sous-Châtillon au domaine familial J. Charpentier, Marie-Pierre Lutet-Charpentier a été élue par ses pairs à la fonction de présidente du Groupe des Jeunes Vignerons de la Champagne, signant ainsi le premier mandat féminin depuis la création du groupe en 1947.

Temps de lecture : 5 minutes

Auteur : Alain Julien

Représentante de la cinquième génération du Champagne J. Charpentier, Marie-Pierre ne se destinait pas initialement au métier de vigneronne. Après un bac S passé à Reims, elle suit deux ans de prépa HEC avant un cursus d’école de commerce à Lille. Deux années professionnalisantes la conduisent à travailler dans le secteur commercial chez Bacardi-Martini puis chez Yoplait. Diplôme en poche, elle intègre le groupe Carlsberg en charge des ventes de la marque Kronenbourg. Après six années d’exercice, l’idée de revenir dans le vignoble champenois se précise et Marie-Pierre passe son bac pro « reprise d’exploitation agricole, option viticulture et œnologie » afin de se former à son futur métier. En 2018, elle rejoint le domaine familial auprès de ses parents et de son frère Jean-Marc qui est également administrateur au SGV.

Pourquoi êtes-vous entrée au Groupe des Jeunes, lors de votre retour dans l’exploitation familiale ?
Même si au début de ma vie professionnelle, j’ai choisi de faire un autre métier que vigneronne, j’ai toujours été attachée à l’exploitation familiale et au vignoble champenois en général. La première chose qui m’a motivée à rejoindre le Groupe des Jeunes, c’est l’envie de défendre le champagne et la Champagne. Plutôt que de râler dans son coin, si on veut agir, il faut s’engager. C’est un peu comme en politique, avant de critiquer, il faut commencer par aller voter.
La deuxième raison tient à mon parcours. À mon retour en Champagne, j’avais besoin d’échanger avec d’autres jeunes vignerons pour partager les expériences. Même si je connaissais le métier, le monde champenois n’est pas un long fleuve tranquille : pour en comprendre tous les rouages, le GdJ constituait vraiment la bonne opportunité pour à la fois créer du lien et me former à l’univers dans lequel j’allais évoluer.

Quelle a été votre motivation pour accepter la présidence du GDJ ?
Cela a été la continuité de mon engagement dans le groupe qui m’a soutenue dans cette démarche. J’ai accepté la présidence pour continuer à prendre la parole en portant la voix des jeunes. Après avoir été secrétaire générale et vice-présidente, je poursuis mon implication avec cette même volonté de défendre les couleurs de notre Appellation.
Nous formons un groupe soudé avec des nouveaux arrivés depuis le renouvellement du conseil d’administration et des plus anciens qui ont notamment préparé notre assemblée générale fin mars. Nous avançons tous ensemble en apprenant les uns des autres avec nos particularités de région et de famille viticole. Cette pluralité est extrêmement bénéfique aux réflexions et à la mise en place de nouveaux projets.

Quel est, selon vous, le rôle du Groupe des Jeunes ?
La force de la Champagne tient dans l’unité de son collectif, quelles que soient les particularités de chacun. Notre Appellation se construit de génération en génération et il faut travailler à ce que le relai se passe bien. Au SGV, les aînés apportent l’expérience et la sagesse, les jeunes apportent une fougue et des idées novatrices. Le rôle du GDJ est aussi de former les jeunes vignerons pour leur permettre de développer leurs idées. Comme nous l’avons montré à notre dernière assemblée générale, les jeunes ont une vision structurée et forte sur l’avenir de la Champagne. À nous de savoir nous faire entendre.

Quels sont les projets que vous souhaitez porter ?
C’est le début de cette nouvelle mandature. Il y a beaucoup d’idées et de projets à construire, mais dans un premier temps, nous devons effectuer un travail collectif de priorisation.
Ce qui est certain et très concret, c’est notre volonté de créer du lien et de renforcer le maillage à l’échelle locale, régionale, nationale et pourquoi pas internationale avec d’autres jeunes professionnels des filières vitivinicoles et agricoles. Donc cela passera par son village, sa section locale, d’autres groupes de jeunes vignerons et d’agriculteurs.
Et comme nous sommes dans une année élective pour l‘Europe, nous pensons traverser les frontières pour aller à la rencontre de jeunes confrères européens pour échanger sur nos thématiques de gestion des Appellations.
Un des points qui nous semble important est la question de l’information et de la formation des jeunes. Nous avons cette volonté d’aller un peu plus loin dans ce domaine et notamment sur l’aspect économique de la filière avec des données géopolitiques qui permettraient de mieux appréhender l’évolution des marchés du champagne.
Il est nécessaire de prendre un petit peu plus de hauteur et nous pensons organiser plus de rencontres avec différentes personnalités du monde champenois.
Et nous en arrivons à un sujet porté depuis longtemps par le Groupe des Jeunes et qui nous tient particulièrement à cœur, celui de la capacité professionnelle. Car s’agissant de la prochaine génération d’exploitants, on ne peut pas éluder la question de la professionnalisation pour préparer son installation et la consolider dans le temps.
Nous pensons qu’il est indispensable de faire en sorte que tout nouvel acteur dans le vignoble champenois, notamment double-actif, soit formé à la fois du point de vue du métier et du point de vue réglementaire. Il doit pouvoir justifier de ce bagage minimum.
Au Groupe des Jeunes, nous allons remettre ce sujet sur la table, comprendre quels sont les freins et si on ne peut pas le faire entrer par la porte, ce sera par la fenêtre.
La transmission des exploitations est un sujet majeur pour nous, car nous sommes en première ligne. On constate la difficulté des aînés à transmettre et la difficulté pour les jeunes de s’installer dans la sérénité. Il faut travailler avec les pouvoirs publics pour alléger économiquement et administrativement la transmission au risque de voir augmenter le morcellement du vignoble et de compromettre les équilibres interprofessionnels.
La révision de l’aire de l’appellation Champagne s’inscrit aussi dans nos priorités. L’objectif va être de former dans un premier temps l’ensemble des membres du groupe afin de pouvoir se positionner aux côtés des aînés du Syndicat.

Lors de votre AG, vous avez construit plusieurs scénarios possibles pour la Champagne à l’horizon 2050 (voir La Champagne Viticole N° 911). À titre personnel, de quelle Champagne rêvez-vous d’ici 25 ans ?
Si je résumais en une phrase, ce serait une Champagne d’équilibre, collective où toutes les familles réussissent à coexister.
J’espère une Appellation forte qualitativement et forte dans son rayonnement et dans son image. Une Champagne irréprochable sur l’excellence de ses vins et sur ses pratiques viticoles.
Les grandes marques qui ont participé au rayonnement de la Champagne doivent continuer à briller. Et de la même façon, les vignerons doivent revendiquer leur place avec leur authenticité et leur savoir-faire. Cela veut dire que l’on doit avoir une Champagne qui manipule aussi bien du côté du négoce que du vignoble avec toujours la volonté de partager équitablement la valeur.
C’est la condition par laquelle les Champenois continueront à maîtriser leur destin.

 

Fort d’environ 70 membres, le GDJ est représenté par un conseil d’administration. Les administrateurs sont élus pour un mandat de quatre ans et renouvelés tous les deux ans par moitié. Il leur appartient ensuite d’élire un bureau qui nommera la présidence, elle-même renouvelée tous les deux ans.
Le GDJ répartit ses travaux en différents pôles : communication, technique, animation, installation, affaires juridiques et sociales…
Deux représentants des Jeunes sont présents au conseil d’administration du SGV. Leurs membres peuvent siéger au sein des commissions syndicales et sont également représentés au sein d’organisations professionnelles comme les Chambres d’agriculture, JA, Safer, Adasea…

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