Qu’est-ce qui a motivé cette demande de suspension du dossier de délimitation ?
Depuis maintenant huit ans, le ministère de l’Agriculture, selon sa propre interprétation de la réglementation européenne, nous oblige chaque année à attribuer des plantations nouvelles à hauteur de 10 ares de vignes destinées à la production de vins sans indication géographique.
Le Syndicat Général des Vignerons est l’Organisme de Défense et de Gestion de notre Appellation ; à ce titre, nous sommes garants historiquement de l’unité et de l’intégrité de notre AOC. Or cette croissance imposée par l’administration nous empêche de maîtriser totalement les plantations dans l’aire d’appellation actuelle et future, ce qui pourrait mettre à mal les équilibres de la Champagne. Nos aïeuls se sont battus pour construire une AOC dont l’organisation est saluée unanimement, nous avons le devoir et la responsabilité de la défendre.
Nous refusons absolument de devenir un vignoble mixte dans lequel des opérateurs peuvent à leur convenance planter des vignes au cœur de notre Appellation pour produire des vins dont nous ignorons tout. Cela entache l’image de la Champagne et pourrait donner lieu à des fraudes et des détournements de notoriété.
Nous demandons formellement la possibilité de décider pour notre AOC d’une croissance à zéro pour les autorisations de plantations. Nous avons vu les ravages de la dérégulation dans d’autres vignobles, les conséquences ont été catastrophiques.
Parallèlement à ce combat que nous menons, le dossier de délimitation engagé en 2003, arrive dans sa dernière ligne droite, les experts de l’Inao ayant prévu de nous présenter leurs conclusions au dernier trimestre de cette année.
Il nous a semblé essentiel de revenir au sein du conseil d’administration sur l’un des fondamentaux de la Champagne : la gestion et la maîtrise du potentiel de production. C’est pour cela qu’en toute responsabilité, nous avons décidé de demander à l’INAO de suspendre leurs travaux sur la révision de l’aire d’Appellation en attendant d’avoir des garanties sur notre capacité à maîtriser totalement les plantations.
« Nous demandons formellement la possibilité de décider pour notre AOC d’une croissance de zéro pour les autorisations de plantations. »
Quels sont les leviers d’action du SGV pour obtenir gain de cause ?
Peu de vignobles en France et en Europe ont cette même problématique de refuser la mixité. Donc nous prenons nos responsabilités et nous montons au créneau auprès du ministère de l’Agriculture pour faire entendre nos revendications. Par ailleurs, nous informons les parlementaires de l’AOC sur cette thématique pour qu’ils fassent remonter l’information au Gouvernement. Bien évidemment, l’instabilité politique que nous subissons depuis un an ne nous aide pas.
Sur le plan européen, nous agissons au sein d’Efow, la Fédération européenne des vins d’origine. Efow a ainsi participé en fin d’année 2024 au travail du Groupe à haut niveau sur l’avenir de vin mis en place par la Commission européenne pour préparer la prochaine PAC. Via la Fédération, nous avons plaidé pour le droit de décider d’une croissance de zéro à l’échelle même d’une AOC. Il se trouve que les préconisations du GHN vont plutôt dans le sens d’un renforcement des outils de régulation.
Cela nous rend assez confiants, mais il convient d’attendre des décisions concrètes.
« Tant que nous n’obtenons pas satisfaction sur la maîtrise des autorisations de plantation, nous gelons le dossier de délimitation. »
Quelles sont les conséquences de cette décision sur le chantier de délimitation ?
Déjà, il est important de préciser que la suspension ne dit absolument rien sur l’issue du travail des experts de l’Inao sur la révision de l’aire d’Appellation.
Évidemment, cela va reporter le dossier pour un certain délai. Le ministère de l’Agriculture semble nous soutenir pour faire évoluer la réglementation européenne. Nous attendons dans les prochaines semaines le projet de réforme du secteur du vin.
En attendant, notre message est clair, tant que nous n’obtenons pas satisfaction sur la maîtrise des autorisations de plantation, nous gelons le dossier de délimitation. C’est une condition sine qua non, car c’est l’avenir de notre Appellation qui est en jeu.
En revanche, si nous obtenons satisfaction, l’ODG demandera à l’Inao de relancer les travaux et l’ODG devra, le moment venu, se prononcer sur le projet de délimitation parcellaire. Nous comptons sur la mobilisation et la détermination de la France.