Le Syndicat Général des Vignerons de la Champagne, en tant qu’Organisme de Défense et de Gestion de l’AOC Champagne, attend de Bruxelles et de Paris une évolution des règles européennes sur la régulation des plantations avant de se prononcer sur la révision de son aire de production.
Le Conseil d’administration du SGV a décidé à une large majorité, le 27 février 2025, de demander la suspension des travaux de l’INAO sur la révision de l’aire d’Appellation Champagne tant que la filière n’aura pas tous les moyens de réguler les plantations nouvelles sur les surfaces présentes et futures de l’AOC.
La décision de 2003 d’ouvrir un chantier de révision avait été initialement prise pour sécuriser juridiquement l’Appellation après plusieurs contentieux engagés par des communes champenoises. À cette époque, le contexte réglementaire européen appliquait le principe de l’interdiction de plantations nouvelles. Depuis, la politique européenne a profondément évolué. Après une tentative de libéralisation totale des plantations, les décideurs européens ont finalement préféré réintroduire un dispositif de régulation basé sur un plafond annuel d’autorisations de plantations nouvelles.
Les VSIG, un risque majeur pour l’Appellation
Ce nouveau dispositif instaure un régime d’autorisations de plantation qui oblige notamment à l’attribution d’un minimum de plantations nouvelles y compris en Vin sans indication géographique (VSIG, ex-Vins de table) sur l’ensemble du territoire français notamment pour les AOC.
Ainsi, la filière Champagne n’a pas d’autre choix que d’autoriser chaque année la plantation de nouvelles vignes pour la production de VSIG, dont elle ne connait ni la localisation, ni la quantité de raisins récoltés, ni la destination des vins qui en sont issues.
La coexistence de vignes dédiées à l’AOC Champagne et de vignes destinées à la production de VSIG sur un même territoire constitue un risque majeur pour la filière. Face à l’impossibilité de contrôler des volumes issus d’un même territoire, elle expose le vignoble champenois à des fraudes potentielles, telles que la revendication abusive de raisins ou de vins en AOC.
Par ailleurs, ces VSIG échappent aux standards exigeants du Cahier des charges de l’AOC Champagne et risquent d’affecter la réputation de l’Appellation sur les marchés nationaux et internationaux.
La préoccupation de maintenir un vignoble champenois exclusivement dédié à l’AOC n’est pas nouvelle. Depuis sa création et les premières lois sur la délimitation de son aire de production en 1927, la filière a toujours refusé la mixité des vignobles pour protéger la singularité et l’excellence du Champagne.
Ce principe fondateur a permis de construire une Appellation forte, reconnue dans le monde entier pour son savoir-faire et sa qualité. Cette vision reste aujourd’hui plus pertinente que jamais pour préserver l’intégrité de l’AOC face à un contexte réglementaire et économique en mutation.
« Tant que le cadre réglementaire européen ne nous garantit pas une maîtrise totale des nouvelles plantations, il serait irresponsable de finaliser la nouvelle délimitation. »
Maxime Toubart, président du SGV
C’est pourquoi, depuis plusieurs années, le SGV rappelle à l’INAO et au ministère de l’Agriculture que l’issue du chantier de délimitation est liée à la garantie pour la filière et le SGV d’avoir tous les moyens de réguler les plantations nouvelles et de pouvoir interdire toute nouvelle plantation notamment en VSIG.
« La suspension des travaux de l’INAO sur la délimitation est une décision réfléchie et responsable, dictée par notre devoir de préserver l’Appellation d’origine contrôlée Champagne pour les générations futures. Tant que le cadre réglementaire européen ne nous garantit pas une maîtrise totale des nouvelles plantations, il serait irresponsable de finaliser la nouvelle délimitation », a expliqué Maxime Toubart à l’issue du vote du 27 février.
Le SGV appelle les autorités françaises et européennes à légiférer dans l’urgence, dans le cadre d’une réforme ciblée de l’Organisation commune du marché agricole (OCM), afin d’obtenir une évolution des règles européennes qui donne la possibilité de ne pas accorder de plantations nouvelles.
À lire – Maxime Toubart : « La maîtrise du potentiel de production est dans l’ADN de la Champagne »
Plus d’informations à venir dans La Champagne Viticole du mois de mars 2025.