Valentin Gallais vit son métier comme une véritable passion. Lancé sur le sujet du champagne, il nous embarque aux quatre coins de l’Appellation, de domaines de vignerons en grandes maisons de négoce, d’assemblages en millésimes, de blancs de noirs en rosés de saignée… détaillant chaque cuvée dégustée avec un grand sourire gourmand.
À l’entendre et le voir s’exprimer on comprend le vers de Corneille, « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ».
Coïncidence amusante, comme le dramaturge contemporain de l’invention du champagne, Valentin voit le jour à Rouen. « Enfant, je voulais être cuisinier. J’étais toujours collé à ma mère en cuisine pour essayer de l’aider », raconte-t-il. Une scolarité classique jusqu’en seconde et quand vient la question de l’orientation, il choisit le lycée hôtelier Georges Baptiste à Rouen avec un bac techno à la clé.
Premier stage en cuisine puis un autre en salle où il découvre le contact avec la clientèle. « J’ai beaucoup aimé cet aspect du métier, alors j’ai passé un BTS art de la table plus spécialisé en salle. »
Là s’opère une rencontre déterminante, celle de son professeur Ludovic Mandine qui l’oriente vers la sommellerie et lui trouve son premier stage aux Crayères à Reims. « J’ai adoré l’ambiance, le travail avec le Chef Philippe Mille, les chefs sommeliers et le responsable de salle. C’était extraordinaire et j’ai compris que je voulais vraiment faire ce métier », sourit-il.
II commence ainsi son apprentissage champenois lors de visites de domaines du négoce comme du vignoble pour déguster nombre de champagnes et affiner son palais. « Au début, j’ai trouvé le champagne difficile à appréhender. La bulle est très dominante, c’est compliqué de saisir la complexité des arômes, la salinité, l’acidité, mais à force de travail, on comprend de mieux en mieux les vins et leurs terroirs. Maintenant la Champagne fait partie de mon identité ! »
Valentin poursuit ses études par un brevet professionnel au lycée Rabelais à Dardilly sous la coupe d’Arnaud Chambost, MOF Sommelier en 2000, avant une alternance de deux ans à L’Écrin de Yohann Chapuis à Tournus.
Et quand vient le temps d’entrer de plain-pied dans la vie professionnelle en 2022, la chance veut qu’un poste se libère aux Crayères. Le chef sommelier pense évidemment à Valentin qui revient en Champagne pour « deux années magnifiques ponctuées de dégustations incroyables. »
Nouveau challenge
En 2024, le Chef Philippe Mille décide de quitter les Crayères pour fonder son propre restaurant Arbane au cœur de la Cité des sacres, et propose à Valentin la responsabilité de la sommellerie. « Un vrai challenge que j’essaie de relever tous les jours depuis un an maintenant. Le Chef et tous les membres de son équipe sont très solidaires, c’est un véritable soutien qui met en confiance ».
Pour construire la carte, Phillipe Mille présente Valentin aux célèbres chefs sommeliers Xavier Thuizat et David Biraud, qui jouent le rôle de mentor. « J’ai la chance d’avoir rencontré tout au long de ma formation des ainés bienveillants qui m’ont aidé à grandir. »
Arbane ouvre le 29 mars 2024 avec à la carte 300 références de champagne et 800 de vins, dont des ratafias issus d’une « bibliothèque maison », et des coteaux champenois.
« Nous avons séparé le négoce et le vignoble. Les maisons sont classées par ordre alphabétique, les vignerons sont présentés du nord au sud de l’Appellation, de la Montagne de Reims jusqu’à la Côte des Bar. »
Et comme Philippe Mille apprécie beaucoup le travail du tonnelier Jérôme Viard avec qui il a créé « Quercus Edition », une collection d’objets d’art de la table en chêne – le chef cuit ses poissons sur des douelles et fume ses homards dans des tonneaux de la Tonnellerie de Champagne -, une section de la carte met en valeur quinze vignerons qui élèvent leurs cuvées sous bois, agrémentée de notes pédagogiques.
« Mon rôle est de mettre en valeur toute la Champagne, ce n’est pas un hasard si l’établissement porte le nom d’un cépage champenois. Au restaurant, nous recevons un public de connaisseurs qui apprécie bien sûr les cuvées de grandes marques, mais qui est aussi de plus en plus curieux de découvrir le travail des vignerons », indique le jeune homme.
Temple des accords mets-champagnes

Valentin Gallais et Philippe Mille en duo pour trouver les meilleurs accords mets-champagnes.
Selon Valentin, la cuisine du Chef Mille est totalement inspirée par le terroir champenois, « ses créations sont presque pensées pour s’accorder au champagne et nous nous retrouvons assez facilement pour déterminer le bon accord ».
Dans le menu phare du restaurant « Ode à la vigne », composé selon son inspiration et les produits du moment, chacun des six plats est proposé en accord avec un vin champenois, effervescent comme tranquille.
« Le champagne est un vin qui s’accorde avec quasi tous les plats. La diversité est telle avec les différents cépages, les assemblages, les dosages… que l’on trouve toujours une solution pour se faire plaisir de l’apéritif au dessert. Et puis, n’oublions pas les coteaux champenois et les ratafias qui offrent aussi plein de belles saveurs. »
Une des créations emblématiques de Philippe Mille est sa Rose de Notre Dame de Reims en hommage au vitrail de la cathédrale, composée d’un carpaccio et d’une bisque de langoustine, de caviar, avec une sauce aux herbes citronnée. « C’est un plat qui permet plein d’accords avec le champagne, avec des bulles fruitées, rosées ou encore des cuvées plus crayeuses, c’est typique de la philosophie du Chef. »
Pour Valentin, le champagne et les produits de la mer s’assemblent en général très bien, « la tension du Chardonnay fait merveille la plupart du temps. Avec la viande rouge, c’est plus délicat, il faut chercher des cuvées bien charpentées, pourquoi pas élevées sous bois, ou alors oser les champagnes rosés. Le plus surprenant pour la plupart des gens, c’est l’accord champagne-fromage qui pourtant fonctionne parfaitement. On a l’habitude de prendre un vin rouge, mais le tanique et le lactique ne vont pas ensemble, alors que les bulles subliment le crémeux. »
Si le client est roi, le rôle du sommelier est de lui proposer de sortir de ses sentiers battus pour goûter d’autres expériences : « Il n’y a pas d’accords parfaits, il n’y a que des accords plaisirs. Mais si nous arrivons à convaincre un client et qu’il trouve cela savoureux, cela nous fait vibrer, c’est le cœur de notre métier », s’amuse-t-il.
Le plus difficile selon lui, c’est le dessert : « Quand il y a des fruits, on trouve de cuvées en accord, mais cela se complique avec les desserts d’hiver et avec le chocolat c’est quasi mission impossible. »
Les jours de fermeture du restaurant sont assez souvent consacrés aux rencontres avec les producteurs pour quelques dégustations dans les différents secteurs de l’Appellation : « J’ai encore énormément de choses à découvrir en Champagne et je cherche des accords qui étonneront le public. Par exemple, il y a de jolis mariages à faire avec des champagnes dosés qui ont un peu vieilli, j’y pense de plus en plus. »