Florence Duchêne : ouverte à l’international, à l’export comme à la vendange

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C’est en pleine vendange que nous sommes allés à la rencontre de Florence Duchêne, 28 ans. Cette vigneronne ouverte d’esprit et polyglotte (elle parle cinq langues !) sait se rendre disponible par tous les temps… parce qu’il n’y a pas de mauvais jour pour raconter son champagne !
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L’accueil des visiteurs est soigné, le sourire constant, la bouteille prête à déguster. « Même pour une visite à l’improviste, même si je n’ai pas forcément le temps, je prends deux heures pour faire visiter et expliquer le vin que nous faisons. » A 28 ans, elle dirige l’exploitation de 4 ha héritée de ses aïeux. « Mon arrière-grand-père et mon grand-père était courtiers en vins, ici, à Cumières. Mon grand-père est passé à la manipulation, ensuite mon père a repris, et maintenant, c’est mon tour. » Père et oncle sont toujours présents sur l’exploitation, mais c’est le prénom de Florence qui s’inscrit sur les étiquettes.
Florence Duchêne, moitié Champenoise par son père, moitié Philippine par sa mère, est de ces personnes dont on dit qu’elles semblent plus ouvertes d’esprit que la moyenne. Les voyages ont aussi formé la jeunesse.
Son époux est lui aussi vigneron, mais à l’autre bout de la France viticole. Il est à la tête de deux exploitations dans l’Aude et l’Hérault. Le couple vient donc d’enchaîner deux vendanges, en Champagne après le Languedoc-Roussillon. « Les conduites viticoles sont évidemment très différentes, poursuit Florence. Là-bas, il gère 150 ha en tout. Et il y a du bon à prendre de ce modèle qui ne ressemble en rien à la Champagne. La réciproque est aussi vraie d’ailleurs. »
Le siège de l’exploitation est à Cumières, au cœur du village. La moitié du vignoble est d’ailleurs planté sur le cru. Un autre hectare est à Œuilly, et le dernier dispersé entre Aÿ et Châtillon-sur-Marne. L’ensemble est planté en Vallée de la Marne, entre grands crus des coteaux historiques et premiers crus. Côté encépagement, le vignoble est un traditionnel pour le secteur : 40 % pinot noir, 40 % meunier et 20 % chardonay. « Et aussi un peu de pinot blanc vrai que nous avons retrouvé. »
Les voyages forment la jeunesse
La question de savoir si elle reprendrait un jour l’exploitation viticole ne s’est pas posée immédiatement, dans la prime jeunesse de Florence Duchêne. Elle avait initialement choisi un parcours pas vraiment en lien avec la viticulture. Il s’avèrera finalement précieux. Une licence en langues étrangères appliquées pour commencer, en anglais, allemand et espagnol – des langues dans lesquelles elle est à l’aise, en plus du philippin et de l’italien -, puis un master 1 en commerce international. « Je me destinais plutôt à l’international, à la logistique, comme ingénieur d’affaires, ou au commerce en particulier. » Et puis Florence Duchêne saisit l’opportunité de suivre le réputé OIV MSc, un master en gestion viti-vinicole créé en 1986 avec le soutien de l’OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin). La filière prépare aux décisions managériales propres au secteur de la vigne et du vin, en marketing, gestion, économie, droit, ressources humaines, communication… Pendant son année à l’OIV MSc, Florence a réalisé «  un tour du monde des vins, cela m’a beaucoup inspiré et ouvert l’esprit. On a à apprendre des autres, d’autres conduites viticoles, d’autres manières de vinifier. » Pour la pratique, « j’ai tout appris sur le terrain, et je reconnais que parfois, c’est un peu stressant ».
Si les trois quarts des raisins vendangés partent au négoce, Florence Duchêne met beaucoup d’attention au développement de la manipulation. « Nous produisons 10 à 12 000 bouteilles par an, nous en vendons 6 000, mais nous avons l’objectif de développer l’activité, petit à petit. » Environ 60 % des ventes sont déjà réalisées à l’export. « C’est mon envie de développement au départ. Je continue de participer à des concours. C’est un gage de sécurité, la reconnaissance d’une signature. J’espère monter jusqu’à 90 % à l’export. On vend aux Etats Unis, en Italie, au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas, en Finlande, en Suède, en Chine et en Australie. J’espère développer encore plus en Asie-Pacifique. Nous avons des marchés à venir aux Philippines et à Taïwan. C’est sécurisant, s’il y a un problème dans un pays, économique, contextuel, ce n’est pas grave. » Florence Duchêne n’oublie pas non plus le marché français, « où je souhaite surtout me concentrer sur le CHR » (cafés, hôtels, restaurants, ndlr).
L’international, chez Florence Duchêne, passe aussi par la vendange. « Cette année, nous avions une équipe de seize vendangeurs, tous tâcherons : sept Français, trois Lituaniens, deux Espagnols, deux Italiens et deux Portugais. Avec moi, à moitié Philippine, et mon mari moitié Italien, moitié Catalan, vous imaginez l’ambiance ! Les Italiens, ils chantent même dans les vignes ! Dans les vignes, ça parlait anglais et un baragouinage franco-italo-espagnol ! Dans ces conditions, on en apprend beaucoup plus des gens, ils sont là pour découvrir, ils sont ouverts, ils n’ont pas une zone de sécurité intime que conservent parfois les habitants d’un pays quand ils sont chez eux. Quand je demande à un étranger s’il a voyagé, il me raconte ses voyages, et il s’intéresse aux miens. Il y avait des sourires sur les visages. En dehors de la barrière de la langue, les autres, les étrangers, nous permettent d’être plus ouverts. Avec les étrangers, on repousse toujours ses propres limites. Nous avons connu tous les jours une réelle bonne humeur dans l’équipe, je crois que ça vient de l’ouverture d’esprit. »
Florence Duchêne regrette de ne pas pouvoir mieux accueillir ses vendangeurs pour le moment. « J’héberge, si on veut. Nous mettons un terrain à disposition pour camper. Mais je réfléchis à réaménager d’anciens greniers de l’exploitation en dortoirs et salles de bain pour accueillir les vendangeurs. J’espère que le dortoir au moins, pourra être prêt dès la vendange 2016. Et j’aimerais beaucoup que nous nous tournions vers l’accueil de vendangeurs étrangers, de la même manière que nous destinons nos bouteilles à l’export. J’aime bien l’idée de l’échange. »

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