Montgenost, terre de Blancs en pleine lumière

Situé aux confins de la Marne et de l’Aube, le village doit sa pérennité à une activité viticole soutenue, avec des caractéristiques propres, « solaires et terriennes », bien mises en avant. Et grâce à l’esprit collectif qui demeure vif parmi une population villageoise dans l’âme.

Temps de lecture : 5 minutes

Auteur : Philippe Schilde

Situé aux confins de la Marne et de l’Aube, le village doit sa pérennité à une activité viticole soutenue, avec des caractéristiques propres, « solaires et terriennes », bien mises en avant. Et grâce à l’esprit collectif qui demeure vif parmi une population villageoise dans l’âme.

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Un terroir source d’innovation

Certains vignerons de Montgenost élèvent leurs vins dans des œufs conçus avec du grès extrait localement.

Çà et là, plusieurs sujets religieux issus de la manufacture de céramique de Villenauxe-la-Grande (voir photo ci-dessus) ornent depuis quelques années l’église du village. Ces biscuits de porcelaine immaculée se parent de jolies teintes quand la lumière du soleil passe au filtre de vitraux chatoyants de couleurs.

Avec son épouse Marie-Laure, Alexandre Kowal est fier d’avoir pu les sortir de l’oubli après la fermeture de cette fabrique artisanale ayant, naguère, connu son heure de gloire. Durant des décennies des habitants du secteur ont été appelés « les gueules blanches ». C’étaient des mineurs d’argile.

Possédant des parcelles de vignes dans le village voisin et connaissant la finesse des matériaux extraits de cette terre, cela leur a donné l’idée de puiser dans ces ressources naturelles du sous-sol pour concevoir des contenants en forme d’oeufs, destinés à vinifier leurs chardonnays. Il ressort de cet élevage sous grès des vins délicatement iodés qui plaisent beaucoup.

Un autre couple de RM de Montgenost, Hélène et Benoit Cocteaux, a également fait appel à la même société, Biophytos, pour concevoir des jarres cette fois, d’une plus grande capacité (5 hl) et ayant elles aussi d’étonnantes propriétés de microoxygénation. « À l’occasion de travaux d’arrachage menés sur une de nos parcelles, derrière l’église, nous avons décelé de belles veines de sables au coeur d’un socle de craie jaunâtre.

Mehdy Thiébault et Baptiste Nanet ont créé un gin dont la matière première provient intégralement de Montgenost.

Après analyse, ces grès sablonneux se sont avérés d’une grande pureté. Des tests de cuisson ont été engagés, couronnés de succès. Avec cette ressource minérale locale, nous avons pu produire quatre jarres où, depuis 2022, s’épanouissent nos champagnes et coteaux champenois. Du 100 % Montgenost ! », expliquent-ils, en révélant que les premières bouteilles vont être commercialisées en cette année 2025. En parallèle, ils ont élevé des vins en foudre provenant de chênes sélectionnés dans la forêt de la Traconne, à deux pas.

Dans un tout autre registre, mais puisant lui aussi dans les ressources du terroir, Mehdy Thiébault a conçu avec un ami vigneron marnais, Baptiste Nanet, un spiritueux développé en complément de leur activité champenoise. « Nous avons lancé la marque AWS, pour Amicis Wine & Spirit, afin de diffuser un gin london dry dont la matière première – nos rebèches – provient intégralement de Montgenost, mais que nous distillons dans l’alambic de Reuil avec une chauffe au feu de bois. Cette production, réalisée sur la base d’un coproduit de la vigne, est conduite dans une logique de faible empreinte carbone et dans une démarche hyper qualitative », confie le jeune homme. À sa manière, il incarne cet esprit de créativité féconde d’un secteur de la Champagne qui mérite d’être mis en lumière.

De Montgenost à… Monaco

Si elle recèle quelques curiosités, dont une cheminée géodésique (destinée autrefois à cartographier la Terre), la commune ne compte pas d’édifices classés aux Monuments historiques sur son territoire.

Mais cela n’empêche pas ses édiles de mettre en avant un patrimoine superbement restauré, à l’image de l’église du village, laquelle narre à elle seule quelques pans d’histoire locale. Saint-Rémy-Saint-Hillaire permet de croiser des personnages que l’on n’attend pas forcément ici…

Une pierre tombale nous apprend ainsi qu’un mousquetaire de Louis XVI repose dans cette nef pour l’éternité. « Embarqué en 1780 à bord de l’Hermione, ce natif de Montgenost a figuré parmi les membres du corps expéditionnaire français accompagnant le marquis de La Fayette sur la route de l’Amérique, afin d’y soutenir les troupes de George Washington », explique-t-on sur place.

Et, dans la foulée, on découvre que des liens pour le moins surprenants unissent Montgenost à la Principauté de Monaco. « Parmi les ascendants de Charles Honoré Grimaldi, dit Charles III de Monaco, figure en effet une personnalité originaire de notre village : Marie Françoise Henriette Le Gras de Vaubercey (1766-1842).

Aujourd’hui encore, cette famille possède le château de Montgenost. À travers des dons effectués en 1880 à l’église, Son Altesse Sérénissime Charles III a certainement voulu témoigner de sa gratitude envers cette aïeule marnaise », remarquent nos interlocuteurs. Les familles Grimaldi et Le Gras de Vaubercey ont contribué à la réalisation de vitraux de l’église et à l’achat de magnifiques autels en bois. Ce mobilier liturgique fait l’objet du plus grand soin quand les Montgenostiers s’affairent, en nombre, à entretenir les lieux.

Incontournable dans l’histoire du Sud-Ouest Marnais, Napoléon a quant à lui laissé une anecdote dans les annales communales. « Durant la Campagne de France, en 1814, entre les combats héroïques de ses grognards (Montmirail et Champaubert, pour ne citer que ces deux batailles), l’empereur s’est arrêté à Montgenost. Il a alors échangé avec le maire de l’époque, lui demandant son nom. ‘De Vaubercey’, lui a répondu l’élu. ‘J’en ai connu un lors de mon passage à l’école militaire de Brienne, avec qui j’ai fait de bonnes parties’, s’est alors souvenu Bonaparte. ‘C’était moi !’, lui dit son interlocuteur. S’étonnant de n’avoir jamais été sollicité par lui, de Vaubercey fit preuve d’humilité en déclarant : ‘Sire, je n’ai jamais rien demandé ni brigué et j’ai renoncé au service militaire…’ Il paraît que les deux hommes ont ensuite enfourché leurs chevaux pour parcourir un bout de chemin jusqu’à Sézanne, sans doute se remémorer quelques moments de leur jeunesse… », selon d’anciens écrits relatant la scène.

Pour rester dans la chose militaire tout en revenant à l’actualité, il faut savoir que depuis 2020, le maire de Montgenost est Bruno Sans. Lui aussi a longtemps porté l’uniforme, effectuant une bonne partie de sa carrière dans les opérations extérieures. Avant de se reconvertir dans la restauration, puis de venir goûter aux joies de la retraite en Champagne. Tout en restant fidèle au poste au sein de l’association des « Vétérans Opex » !

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