Plus d’un siècle de syndicalisme champenois en héritage  

Franc succès pour l’assemblée générale du Syndicat Général des Vignerons, qui a rassemblé plus de 1 000 personnes le 11 avril au Millésium d’Épernay. Au programme : le point sur les actions menées en 2023 et les grands enjeux pour l’avenir de la filière, avec comme fil rouge les 120 ans du syndicalisme champenois.  

Temps de lecture : 4 minutes

Auteur : La Rédaction

En 1904, la création de la Fédération des syndicats viticoles de la Champagne a marqué la naissance de l’action syndicale champenoise. Pour le SGV, il s’agissait de « mettre à l’honneur les origines de notre mouvement syndical ». « Que de chemin parcouru depuis plus d’un siècle ! », a souligné le président du SGV Maxime Toubart.  

Il était accompagné à la tribune par le secrétaire général Damien Champy et le directeur général Laurent Panigai — pour sa dernière assemblée générale à la direction du Syndicat —, qui étaient à la manœuvre pour orchestrer avec une pointe d’humour le rapport d’activités de l’année passée : bilan de la campagne culturale, emploi, commercialisation ou encore flavescence dorée.  

Les élections européennes du 9 juin et leurs conséquences sur le vignoble ont été au cœur du débat avec une table ronde animée par Pascal Bobillier-Monnot, le directeur adjoint aux Affaires Politiques avec Riccardo Ricci Curbastro, à la tête de la Fédération européenne des vins d’origine (Efow), Maxime Toubart dans son rôle de vice-président d’Efow et Klaus Schneider qui préside le syndicat des vignerons allemands (lire notre dossier central)  

Le comédien-vigneron François-Xavier Demaison a apporté la note d’humour dans son ode au champagne et à la Champagne avant de laisser la place au président du SGV pour le point d’orgue de l’assemblée générale, son rapport d’orientation. 

L’assemblée générale a été l’occasion de saluer les nouveaux administrateurs, et de remercier les sept sortants.

 

Dialogue et implication collective 

À l’aube d’un nouveau mandat, Maxime Toubart a dessiné les contours du projet syndical pour les années à venir. « Des ambitions nous guident : continuer de faire grandir la qualité intrinsèque et perçue de nos produits ; conserver la maîtrise de production ; préserver la pérennité de nos exploitations ; préserver et défendre nos grands équilibres interprofessionnels ; préserver et défendre la place du vin, dans notre société et dans notre culture ; et prendre soin de l’unité du vignoble. »

« La situation économique et géopolitique internationale inquiète. Les expéditions de Champagne sont en baisse. Pour autant, nous n’en sommes pas à douter de l’avenir », nuance le président du SGV, se félicitant de la solidité collective de la Champagne sur le plan commercial, « dans un marché des effervescents en pleine croissance, qui va continuer à l’être puisque de nombreux vignobles confrontés à une crise structurelle font le choix de réorienter en partie leur production vers celle de vins mousseux. » 

Dans le domaine environnemental, « nous allons poursuivre nos efforts. 70 % de nos surfaces sont actuellement certifiées. Notre objectif reste celui d’un taux de 100 % d’exploitations certifiées en 2030. » L’ambition de la Champagne passe aussi par la recherche, qui devra « conjuguer amélioration de notre impact environnemental et possibilité de continuer à produire ». Un enjeu primordial face à une forte pression environnementale et « des décisions parfois décalées de la réalité du terrain », telles que le projet de règlement européen « SUR ». 

« Les manifestations des agriculteurs cet hiver ont permis à notre profession d’expliquer sa réalité face à cette multiplication des contraintes et des interdictions débouchant sur une diminution de la production. Donc, un grand oui pour poursuivre le chantier de transition écologique. Mais construisons ensemble ! », martèle Maxime Toubart.  

Les questions sociales sont aussi visées par ce travail en dialogue. Pour les vendanges, en dépit d’un assouplissement des normes obtenu l’an dernier, « nous avons besoin d’une mobilisation de tout notre territoire, et notamment de nos collectivités locales, pour nous permettre d’élargir l’offre d’hébergements. » De futures Assises de l’hébergement devront « veiller à assurer des conditions d’hébergement décentes pour les vendangeurs et de donner de nouveau envie aux vignerons d’héberger leur main-d’œuvre saisonnière. » 

Quant aux moyens de réguler la production, Maxime Toubart invite à ne pas baisser la garde sur « la durée et la pérennité du système actuel de régulation des plantations », prolongé jusqu’en 2045, mais qui fera l’objet d’un rapport d’étape remis à la Commission européenne en 2028. Le président a également rappelé son opposition à la production de vins sans IG sur l’aire d’appellation Champagne.  

Les équilibres interprofessionnels « demeurent un objectif principal de notre Syndicat », qui ne pourra être « pleinement atteint que s’il devient l’objectif de chaque adhérent. » Pour ce faire, le SGV se mobilise à travers une palette « d’outils collectifs et individualisés d’accompagnement commercial pour maintenir les parts du marché du vignoble dans la commercialisation globale Champagne ; la défense des intérêts du vignoble lors des renégociations des accords interprofessionnels ; et une politique volontariste et engagée en termes de maintien du foncier au vignoble. » 

Enfin, pour que « le vignoble reste le principal propriétaire du foncier en Champagne », Maxime Toubart a demandé aux adhérents du SGV de faire « coïncider les dates d’échéance de vos contrats raisins avec celle de l’accord interprofessionnel », « imposez à vos acheteurs la date d’échéance qui nous permettra d’avoir du poids dans la négociation collective » et ne pas « céder à la facilité de proposer la vente d’une de vos vignes au négoce. » 

Vincent Jourdan, président de la section Champagne de La Coopération Agricole Grand Est

« Cette situation économique nous oblige à deux niveaux. D’abord, celui de l’effort. Nous devons faire attention à ne pas surréagir comme certains le font déjà aujourd’hui. Pas de panique, mais de la lucidité et garder notre bon sens terrien. Il nous faut poursuivre inlassablement et avec détermination ce travail d’investissement dans le commerce : la coopération, au travers du développement de ces marques et des services qu’elle doit apporter à ses adhérents, entend continuer d’être une force économique au service du vignoble et donc de notre syndicat. 

Ensuite, cette situation nous oblige encore plus au devoir d’unité. 120 ans de syndicalisme. C’est l’occasion de revenir sur ce qui a fait la réussite de notre filière, laquelle repose sur ce rapport interprofessionnel équilibré, entre le négoce qui a développé la notoriété du champagne et le vignoble, lequel s’est structuré via le syndicalisme et la coopération pour peser et développer une partie de son indépendance par la commercialisation du champagne. 

(…) Nous pouvons être écoutés si nous sommes unis. (…) Et ce devoir d’unité, nous devons le manifester à travers l’accord interprofessionnel. En 2024, 70 % des contrats signés par les coopératives sont calés sur les échéances interprofessionnelles. Nous devons faire mieux, nous allons faire mieux, j’en suis convaincu. Chacun doit se sentir concerné, car nous avons tous un rôle à jouer. Il n’existe aucune bonne raison d’avoir des contrats décalés ou à durée indéterminée, et encore moins en cette période de tension sur les approvisionnements en raisins. (…) Nous devons tous nous donner pour objectif d’augmenter la part des contrats alignés sur les échéances interprofessionnelles. Le cap est très clair pour la coopération, et c’est maintenant que nous devons le faire. Parce qu’à la veille des prochaines vendanges, nous refermerons ce chapitre pour les cinq prochaines années. »

David Chatillon, président de l’Union des Maisons de Champagne

« Nous en sommes aujourd’hui au douzième mois consécutif de baisse des expéditions. Fin 2022 et début 2023, les distributeurs ont stocké par anticipation. Puis la hausse des taux d’intérêt les a incités à réduire drastiquement leurs commandes parce que le portage du stock, qui ne leur coûtait rien, est devenu beaucoup plus lourd à financer. 

La bonne nouvelle, c’est que la réalité de la consommation sur les trois dernières années est sans doute plus linéaire que ne le sont les expéditions. Et nous pouvons espérer que les expéditions redémarreront une fois les tuyaux de la distribution vidangés. La moins bonne nouvelle à court terme, c’est que tous les metteurs en marché quelle que soit leur famille doivent supporter ces à-coups violents, dans un contexte de hausse des taux d’intérêt. 

(…) Les Champenois font preuve d’un grand sens des responsabilités et même de courage en prenant les bonnes décisions, parfois difficiles, au bon moment. (…) Alors, préservons notre modèle contre vents et marées. N’oublions pas qu’en plus, il rassure les banques, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités. Perfectionnons-le si nécessaire, mais continuons de mettre en marché les volumes que nous serons capables de vendre dans les années futures.  

Un avenir prospère passe aussi par l’amélioration permanente de nos pratiques dans tous les domaines. (…) Je veux remercier ici les professionnels engagés dans le groupe de travail dédié, les équipes de l’UMC, du SGV et du Comité qui consacrent une énergie et un temps considérables pour faire en sorte d’éviter les dérives que nous avons connues. (…) Nous serons observés pendant les prochaines vendanges par les médias, mais aussi par les marchés. Nous portons une lourde responsabilité parce que la première appellation au monde ne peut pas être le théâtre de pratiques indignes. (…) Nous avons la chance d’avoir l’expérience de la gestion collective et de la responsabilité individuelle qui est un gage de succès futurs. » 

 

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